Avant la confirmation de l'enlèvement terroriste annoncé, hier, par l'état-major de l'ANP, plusieurs pistes avaient été données par des officiels et par la presse. Depuis le 21 février, date de la disparition des 32 touristes européens, les autorités algériennes ont, sur le terrain de la communication, marché sur la pointe des pieds. Pour éviter de compliquer une situation déjà bien embarrassante, on a commencé par privilégier la voie du silence, meilleure façon sans doute d'éviter les malentendus. Ce sont donc les journaux, nationaux et internationaux, qui ont fait les premiers pas. Le magazine autrichien Profil écrit : “Les touristes (dont dix Autrichiens, ndlr) disparus dans le Sahara auraient été kidnappés par des terroristes du GSPC.” Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, dirigé par Hassen Hattab, est considéré comme affilié à l'organisation Al-Qaïda d'Oussama Ben Laden. Les journalistes des pays dont les touristes sont issus (Autriche, Allemagne, Suisse, Pays-Bas, Suède) se rendent en force à Illizi, lieu supposé des disparitions. Le magazine suisse Hebdo affirme que les “otages (on parle donc déjà d'enlèvement !) ont été enlevés par des bandits de grand chemin et non par des islamistes”. Même si la gendarmerie nationale réfute la piste de l'enlèvement, un autre média autrichien, le grand quotidien Kronen Zeitung, insiste : “Les touristes seraient aux mains d'un groupe islamiste armé qui veut obtenir des autorités allemandes (quinze des touristes sont de nationalité allemande, ndlr) la libération de quatre ressortissants algériens détenus en Allemagne pour tentative d'attentat sur le territoire français” à la fin de l'année dernière. Intervient le gouvernement. Sous le sceau de l'anonymat, un responsable au ministère du Tourisme confie qu'il pourrait, en fait, s'agir de “faux touristes, membres d'un réseau de trafic de vols de vestiges archéologiques”. Khalida Toumi, lors d'un point de presse, suite à un Conseil de gouvernement, souligne : “Aucune piste n'est à écarter.” Quand le ministre du Tourisme, Lakhdar Dorbani, s'implique, les choses se corsent. Devant la commission communication, culture et tourisme de l'APN, il laisse entendre que des négociations seraient en cours avec les ravisseurs (toujours la thèse de l'enlèvement). Le lendemain, un communiqué du ministère dément. Le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, dément lui aussi. “Il n'y a pas de négociations, il n'y a pas de contacts avec qui que ce soit. Nous n'avons aucune preuve sur le fait qu'ils (les touristes, ndlr) soient détenus en otage (…) Il est possible que ce soit une affaire de prise d'otages, mais rien ne le prouve”, corrige-t-il devant la même commission. Dans une émission à la radio, il s'interroge : “Ont-ils été pris en otage par un groupe de terroristes ? Nous ne pouvons pas l'exclure, mais nous n'avons pas d'indices qui le prouvent (…). Il est possible qu'ils se soient égarés.” Pendant ce temps, un diplomate malien déclarait à une agence de presse étrangère : “Les ravisseurs sont des contrebandiers, même s'il n'est pas exclu qu'ils tentent, pour des raisons stratégiques, d'établir des passerelles avec un groupe islamiste.” L. B.