Le discours prononcé par Ahmed Ouyahia à l'ouverture du deuxième congrès du RND jeudi, à l'hôtel El-Aurassi, a sonné comme le véritable programme de son gouvernement. Les journalistes, les invités de ces assises et même ses propres militants n'ont pas manqué de noter que ce laïus, officiellement adressé aux structures internes de son parti, est destiné à une consommation plus large. A toute l'Algérie. La crise de Kabylie, la lutte contre le terrorisme, les rapports d'avec la Centrale syndicale, ses positions à l'égard des réformes engagées, sont autant de positions qui incarnent la vision d'un homme qui dépasse de loin le strict cadre organique de son parti. Et, à chaque fois, Ahmed Ouyahia prend le soin de saupoudrer son propos avec “les orientations du président de la République”, comme pour lui restituer la paternité de tout ce que, lui, en tant que Chef du gouvernement, veut entreprendre. Un hommage d'abord à la façon de Bouteflika à l'adresse de l'armée, ce “bouclier protecteur de la patrie” qui a lutté contre le terrorisme. Ouyahia n'oublie pas pour autant de lancer un panégyrique “aux corps de sécurité de la République, aux Patriotes et à la Garde communale” qui ont “écrit une page héroïque avec leur sang”. Le néo-secrétaire général du Rassemblement blanchit ensuite — sans le nommer — le bilan de son Président à coups de “la sécurité s'est largement rétablie”, “la démocratie et les libertés se consolident” ou encore “la situation financière du pays s'est nettement améliorée et le développement reprend…”. Grâce à qui ? Au programme d'appui à la relance économique “initié par Monsieur le Président de la République”. Ouyahia salue même la conclusion de l'accord d'association et soutient le processus d'adhésion à l'OMC. Jeudi, le chef du RND a été clair : il est sur la même longueur d'onde que Bouteflika. Et il entend mener à terme les dossiers en suspens qui noircissent le tableau de bord du Président, à une année de la présidentielle. Ainsi, a-t-il promis une lutte sans merci contre le terrorisme, “jusqu'à son éradication totale”, via un “front national”, vieille revendication du RND. Réforme de l'école ? Ouyahia est apparemment déterminé à donner un coup de pied dans la fourmilière des milieux baâthistes. “Libérons-nous des complexes et surtout faisons barrage aux partisans du fonds de commerce politique qui veulent, derrière les slogans, paralyser l'ouverture de l'enfance et la jeunesse algérienne sur les sciences…”, assène Ouyahia qui promet : “Nous n'acceptons pas que cette réforme soit entravée au détriment de nos enfants et de notre pays.” Aux familles des victimes du Printemps noir de Kabylie, le secrétaire général du RND adresse, au nom des congressistes, “l'expression de notre solidarité et de notre affection aux familles des victimes de cette crise et je m'incline à leur mémoire”. Tout en saluant les mesures prises par l'Etat pour régler cette crise, Ouyahia dit espérer un “dénouement rapide par la voie du dialogue, dans la dignité, entre les pouvoirs publics et les représentants des archs autour des revendications posées”. Les vocables “dignité”, “rapide”, laissent entendre que Ouyahia, le Chef du gouvernement, ne tarderait pas à joindre le geste à la parole. Aussi, a-t-il dénoncé les partisans des “thèses irresponsables et politiciennes qui veulent instrumentaliser un mouvement revendicatif” dans une allusion claire aux autonomistes et autres. Une main est donc tendue aux animateurs du mouvement citoyen de Kabylie pour s'asseoir autour d'une table. De la même manière, Ouyahia envoie un message fort à l'UGTA dont il entend, manifestement, faire un partenaire incontournable dans le processus des réformes économiques. “La démarche de mutation économique serait (…) hasardeuse si elle n'était pas accompagnée d'un dialogue permanent et sincère avec le syndicat national, l'UGTA, que nous saluons, pour bâtir un consensus…” Message reçu cinq sur cinq par le patron de la Centrale, Sidi Saïd, qui affichait une bonne mine dans le hall de l'hôtel El-Aurassi, au terme du discours de Ouyahia. Aux journalistes qui demandaient ses commentaires sur cette offre de dialogue, le SG de la Centrale syndicale, tout sourire, se félicite et déclare que “le discours est globalement positif”. Il concède même un petit scoop en annonçant la tenue de la bipartite avant la fin de ce mois. Bien sûr, Ahmed Ouyahia n'a pas manqué de renvoyer l'ascenseur à Bouteflika, en précisant que c'est lui qui a interpellé “le gouvernement pour promouvoir le dialogue avec les partenaires (…) et d'œuvrer à l'élaboration d'un pacte national économique et social”. Abdelaziz Bouteflika a, assurément, trouvé un excellent avocat en la personne de Ouyahia pour plaider sa cause, son programme et peut-être même vendre sa candidature à sa propre succession. H. M.