En dépit de la mise en œuvre d'un colossal programme national de développement de l'agriculture, l'Algérie peine à assurer sa sécurité alimentaire. La flambée des prix des produits de première nécessité, notamment le lait et la semoule, met de nouveau sur la table la problématique de la sécurité alimentaire en Algérie. Cette problématique a été au centre d'une rencontre organisée, hier à l'hôtel El-Aurassi, par le Forum des chefs d'entreprise et la Chambre nationale de l'agriculture. En dépit de la mise en œuvre d'un colossal programme national de développement de l'agriculture, l'Algérie peine à assurer sa sécurité alimentaire. 400,261 milliards de dinars, dont 314,5 milliards dinars, au titre des différents fonds et 85 milliards au titre de budget d'équipement, soit une moyenne de 50 milliards de dinars par an, ont été consacrés au soutien de l'agriculture, entre 2000 et 2007. Cependant, la part de l'agriculture dans le budget de l'Etat ne dépasse pas 3%. Le secteur arrive à la 12e place en 2007 par rapport au budget consacré aux autres secteurs. “Le secteur de l'agriculture n'est bien nanti en matière de mobilisation de ressource financières”, souligne un responsable du ministère de l'Agriculture. Certes des résultats tangibles ont été enregistrés, se traduisant, selon le président de la Chambre nationale d'agriculture M. Ould El-Hocine, par une professionnalisation du monde agricole, la mise à niveau de plus de 380 000 exploitations, l'extension de la surface agricole utile de 385 000 ha, l'accroissement des productions agricoles dans leur ensemble, pour la plus part des cultures maraîchères, avec 5,2 millions de tonnes de production pour 2007, près de 2,1 millions de tonnes pour la seule pomme de terre, un peu plus de 2,65 millions de tonnes pour les fruits, 298 000 tonnes pour les viandes rouges et près de 260 000 tonnes pour les viandes blanches. “500 000 ha de terres ont été mis en valeur durant les 8 dernières années. Plus de 517 500 ha d'arbres fruitiers ont été plantés. La surface irriguée est passée de 350 000 ha en 2000 à 850 000 ha en 2007”, affirme un responsable du ministère de l'Agriculture. Le taux de croissance du secteur a été en moyenne de 6,5%. La valeur de la production agricole est passée de 359 milliards de dinars en 2000 à 694 milliards de dinars (soit 9,6 milliards de dollars) en 2007. Pourtant, les besoins alimentaires de la population algérienne sont satisfaits grâce aux importations, dont la facture est passée de 2,6 milliards en 2000 à 5,5 milliards de dollars US en 2007. Dix pays fournissent environ 70% de la totalité des produits agroalimentaire. La France occupe la première position. Une dizaine de produits représentent, en valeur, 78% de la totalité des importations, dont les plus dominants sont le blé, le lait concentré, le sucre et le maïs. Sur le plan de la consommation, la disponibilité des produits ne semble pas améliorer la ration alimentaire des Algériens. “Selon les données de la FAO, nous sommes très loin des seuils recommandés par l'OMC concernant les viandes, l'huile d'olive et de poisson”, souligne un intervenant. La conviction du président du Forum des chefs d'entreprise est que “cette situation trouve fondamentalement son origine dans le dysfonctionnement provoqué par le désencrage de l'appareil agro-industriel de son amont agricole qui fait que notre industrie agroalimentaire s'est retrouvée intégrée de façon passive au marché international”. Ce décalage, souligne M. Réda Hamiani, a conduit à des dysfonctionnements qui “font qu'aujourd'hui nous importons du concentré de tomate, alors que des capacités nationales sont mises à l'arrêt. Que la production de lait cru ne trouve pas de réseau de collecte organisé, que des besoins, pour la transformation de la viande d'ovins, ne sont pas pris en charge…” Le désencrage de l'appareil agroindustriel de son amont agricole est illustré par une faible intégration du secteur agroalimentaire. “Le ratio d'intégration de la branche de l'industrie agroalimentaire n'a pas connu d'amélioration sensible sur la période allant de 1995 à 2001, moins de 0,5% par an. Un léger frémissement est observé durant les cinq dernières années (2002 à 2006) environ 1% en moyenne par an. Le taux d'intégration n'est que 26% en 2006”, souligne un responsable d'un ministère de l'industrie. C'est le plus bas dans toute l'industrie. À titre de comparaison, le taux d'intégration enregistré pour tout le secteur industriel pour la même année a été de 37%. La faiblesse de l'agriculture en Algérie réside aussi dans la rareté des ressources en eau, la configuration géographique, l'atomisation du domaine arable, le faible niveau de mécanisation de l'agriculture, une infrastructure inadaptée et des coûts de production prohibitifs. Un intervenant a d'ailleurs dressé un tableau, plutôt sombre dans lequel évolue et évoluera l'agriculture algérienne. “Les conditions climatiques sont très sévères, la moyenne des quantités de pluie qui sont tombées les trente dernières années ont enregistré une baisse de 30%. Les terres cultivables sont limitées. La surface agricole utile n'est que de 8,5 millions de hectares. 1,2 million de hectares de terre à potentiel acceptable seulement. Les ressources en eaux sont aussi limitées”, relève-t-il. Autant de contraintes qui pèsent sur le développement de l'agriculture. En matière d'insuffisances figure aussi la taille des exploitations, ne favorisant pas les actions d'intensifications, la non-exploitations des terres agricoles, notamment de type Individuel et EAC, les difficultés d'accès aux finances bancaires et la faiblesse, voire l'absence de système de régulation à l'origine de dysfonctionnement de la commercialisation (multiplicité d'intervenant, spéculation..). Compte tenu de toutes ces situations, les acteurs du monde de l'agriculture et de celui de l'industrie veulent construire “une nouvelle relation”, une relation qui passe aussi par la nécessité d'apporter des solutions à la problématique du foncier agricole. Meziane rabhi