L'opinion publique et la presse indépendante marocaines s'interrogent sur cette nouvelle absence prolongée du monarque et ses éventuelles répercussions sur la gestion des affaires du royaume, en raison de la centralisation entre ses mains de tous les pouvoirs. Encore une fois, la présence du souverain alaouite hors du pays pour une longue durée suscite l'interrogation des Marocains, notamment les journaux indépendants. Le silence radio du palais royal à ce sujet alimente davantage les commentaires. Les journaux Nichane, Al Ayyam et le Journal évoquent dans leurs dernières éditions “l'absence remarquée” du roi, parti pour un séjour privé en Chine et au Viêt-nam le 20 mai dernier. Mohammed VI n'est toujours pas rentré au Maroc et se trouverait aux dernières nouvelles en France. Selon le quotidien arabophone Al Ayyam, le roi “est parti en tournée non officielle en compagnie de nombre de ses serviteurs et assistants, à bord de deux avions gros porteurs”. Cette longue absence, la deuxième du genre après celle de 45 jours en janvier et février derniers durant laquelle il avait séjourné en France et au Brésil, laisse les Marocains perplexes. La rumeur avait circulé à l'époque sur une opération chirurgicale qu'aurait subi le monarque, vite démentie par le palais royal. Cette situation a amené l'analyste marocain, Dr Abdelatif Hasni El Maghribi, à dire que cela pose “un grand problème parce que la majeure partie des prérogatives sont concentrées entre les mains du souverain, conformément à la Constitution”, ce qui veut dire que “chaque absence est synonyme de ralentissement de l'activité constitutionnelle et gouvernementale”. La même source considère que le gouvernement est totalement dépourvu de prérogatives, l'absence du roi a pour effet de créer une véritable vacance de pouvoir, alors que la menace sécuritaire plane sur le pays, et la gestion des récents évènements de Sidi-Ifni en est la parfaite illustration. Il est expliqué que l'opinion publique marocaine focalise sur ce sujet pour deux raisons. La première est la situation de crise prévalant dans le pays, se traduisant par une contestation populaire, qui a conduit à des émeutes à Sidi-Ifni réprimées par la force des services de sécurité avec les dépassements que cela avait engendrés. Secundo, ce long séjour à l'étranger de Mohammed VI a pour conséquences de retarder la visite que devait effectuer au Maroc le chef du gouvernement espagnol, Jose Luis Rodrigues Zapatero, ainsi que le report des visites du souverain chérifien en Mauritanie et en Egypte. Outre cela, d'autres dossiers, notamment celui du Sahara occidental, dans lesquels seul le monarque peut trancher, demeurent en stand-by. Dans un article sur cette absence, intitulé “Le roi hors champ”, le journal électronique l'Express a abouti à la conclusion que, “soit le souverain a confiance dans le faible gouvernement de Abbas al-Fassi, et certain qu'il peut résoudre tous les problèmes du pays, quelle que soit leur gravité sans recourir à lui, soit il se désintéresse de ce qui se passe dans son royaume du bonheur”. L'article indique également que “si on veut être logiques, on doit s'interroger sur la part de responsabilité du roi dans tous les évènements que vit le pays, du moment qu'il est un gouvernant réel en possession de prérogatives dépassant mille fois celle du Premier ministre”. Se référant à l'adage européen “le roi règne, mais ne gouverne pas”, l'auteur de l'article conclut : “Chez nous, il n'y a pas de problèmes, qu'il vienne et qu'il gouverne.” K. ABDELKAMEL