Refusant jusque-là tout contact direct avec Téhéran dans le dossier du nucléaire tant que les Iraniens ne renonçaient pas à l'enrichissement de l'uranium, les Etats-Unis ont contre toute attente modifié leur stratégie en déléguant le numéro trois du département d'Etat pour négocier samedi prochain. Après avoir tenté toutes sortes de sanctions contre le régime iranien, par le biais du Conseil de sécurité de l'ONU, pour l'amener à renoncer à son programme nucléaire, l'administration Bush opère un changement radical dans sa position en acceptant de prendre part à des négociations directes avec une délégation iranienne. Tout le monde sait que les contacts directs et officiels entre la république islamique d'Iran et les Etats-Unis sont extrêmement rares. Washington, qui fait partie du groupe des Six qui négocie sur le programme nucléaire iranien, n'a jamais discuté directement avec Téhéran, car le gouvernement américain a rompu tout contact avec Téhéran sur le sujet. L'on rappellera que les deux pays ont rompu toutes relations diplomatiques depuis 1980, date de la crise des otages de l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran. Fin juin déjà, Washington avait envisagé de tendre la main à Téhéran. Ce contact est-il un signe d'une modification de la stratégie américaine vis-à-vis de Téhéran ? Si c'est le cas, que peut bien cacher cette nouveauté ? À cinq mois de son départ de la Maison-Blanche, George Bush semble avoir compris qu'il ne peut pas se permettre d'ouvrir un autre front avec l'Iran, alors que ceux avec l'Afghanistan et l'Irak ne se sont pas encore éteints. Les derniers essais de missiles iraniens avec succès, pouvant frapper Israël et toutes les bases américaines dans la région, l'auraient-ils dissuadé de recourir encore à la force pour régler le différend l'opposant à la république islamique iranienne ? Une chose est cependant sûre, l'envoi du numéro trois du département d'Etat à la réunion organisée samedi par l'Union européenne à Genève sur le dossier nucléaire iranien, William J. Burns, qui assistera samedi à la réunion entre le chef de la diplomatie de l'Union européenne Javier Solana, et le négociateur nucléaire iranien, Saïd Jalili, est un signe qui ne trompe pas sur un changement de cap de la politique américaine avec l'Iran. Les observateurs s'accordent à dire que la présence de Burns est un vrai virage, d'autant plus que pas plus tard que la semaine dernière, le régime iranien avait fait savoir, par la voix de son président Mahmoud Ahmadinejad, à l'Union européenne, qu'il n'entendait pas suspendre son programme d'enrichissement. Pour diminuer de l'impact de la présence de William J. Burns, Washington affirme qu'il ne fera qu'assister aux discussions, mais n'y prendra pas activement part et ne mènera pas d'entretiens bilatéraux avec Téhéran. Selon un haut responsable américain : “Sa présence est un événement unique. Burns montrera l'unité des Occidentaux et sera à Genève pour écouter et non pas pour négocier.” Cela étant, présidées par Javier Solana, le haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, les discussions de samedi devraient porter sur le paquet de mesures incitatives politiques, économiques et technologiques proposé mi-juin à Téhéran par le groupe des Six (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne, Allemagne) en échange de l'arrêt de son programme nucléaire. K. ABDELKAMEL