Dmitri Rogozine, le représentant russe auprès de l'Otan, a estimé, hier, que les Occidentaux devraient être jugés pour les bombardements de 1999 en ex-Yougoslavie, si Radovan Karadzic était déféré devant la justice internationale. Ainsi, le TPI devrait élargir son champ d'action à tous les acteurs des évènements tragiques de l'ex-Yougoslavie, au lieu de s'acharner sur les plus faibles seulement. Au-delà de l'arrestation du Serbe Radovan Karadzic inculpé de génocide, par la justice internationale, ce sont les réactions à cet événement qui donnent matière à réfléchir sur les activités du Tribunal pénal international (TPI) et de la Cour pénale internationale (CPI). En effet, si les Occidentaux ont applaudi en se félicitant, le représentant de la Russie à l'Otan a jeté un véritable pavé dans la mare en demandant que le TPI s'intéresse aussi aux responsables des bombardements de civils au cours de la douloureuse période vécue par l'ex-Yougoslavie lors de la décennie 90. “Si Karadzic mérite que son cas soit examiné à La Haye, alors, à côté de lui, sur le banc des accusés doivent s'asseoir ceux qui ont pris la décision du bombardement de citoyens pacifiques et qui n'étaient en rien coupables, tués par centaines au moment de la démocratisation des Balkans par l'Ouest”, a déclaré Dmitri Rogozine à l'agence Interfax. Pour rappel, l'Alliance atlantique avait mené en 1999 une campagne de bombardements aériens pendant onze semaines sur l'ex-Yougoslavie pour faire cesser les violences au Kosovo, province du sud de la Serbie peuplée en grande majorité d'Albanais et où les forces du gouvernement yougoslave affrontaient la guérilla indépendantiste albanaise. Il confirme la position russe sur la question, qui estime que le transfert de l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie est une “affaire intérieure” serbe. Une source diplomatique russe a indiqué à l'agence Ria-Novosti : “Nous considérons cela comme une affaire intérieure de la Serbie dont les autorités doivent elles-mêmes prendre la décision d'une éventuelle extradition de Karadzic au TPI.” Une autre source au service de presse du ministère des Affaires étrangères russe a fait des commentaires similaires à Interfax en déclarant : “Nous considérons cela comme une affaire intérieure de la Serbie et de la direction de ce pays.” Dans le même ordre d'idées, le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré, hier, dans un communiqué que le procès de Radovan Karadzic doit être “impartial”, accusant le Tribunal pénal international de l'ex-Yougoslavie d'avoir souvent fait preuve de “parti pris”. Le communiqué affirme clairement que “l'arrestation de l'ancien chef des Serbes de Bosnie R. Karadzic, accusé par le TPI, est une affaire strictement intérieure de la Serbie”. Le communiqué précise : “Nous espérons que l'enquête et le procès sur le cas de R. Karadzic revêtiront un caractère impartial.” Moscou interpelle directement le TPI en ajoutant : “Nous attirons sur cela une attention particulière, car le TPI a, à maintes reprises, fait montre de parti pris. On connaît les cas de justification des actions et de libération d'une série de Bosniaques et d'Albanais du Kosovo, avant tout de l'ancien Premier ministre kosovar, Ramush Haradinaj, dont la participation à des crimes de guerre ne fait pas de doute.” Le ministère russe des Affaires étrangères conclut sa mise en garde en appelant le TPI à remplir sa mission convenablement : “Au même temps, nous rappelons la nécessité d'accélérer les actions en vue de mettre fin aux activités du TPI et de transférer toutes les affaires pendantes aux instances d'enquête et judiciaires des pays de l'ancienne Yougoslavie, qui sont actuellement complètement mûres et en mesure de se prononcer lorsqu'il s'agit de crimes de guerre.” K. ABDELKAMEL