Le sévère réquisitoire du président Bouteflika à l'égard du processus de privatisation et du bilan des investissements directs étrangers n'a pas encore livré tous ses secrets. Abdelhamid Temmar paraît la principale cible des critiques acerbes du chef de l'Etat. Mais, à y voir plus clair, force est de constater que les choix stratégiques opérés depuis 1999, et même bien avant, en matière économique, ont tous péché par un manque de lucidité et une trop forte prudence vis-à-vis des investisseurs, nationaux et étrangers. En disant “stop” au processus des privatisations, tel qu'il est mené, le président de la République plonge tous les gestionnaires du secteur économique dans le désarroi. Dans la mesure où ces derniers ont toutes les peines du monde à mettre en œuvre la nouvelle stratégie industrielle décidée par Abdelhamid Temmar, et qui devait constituer l'aboutissement de plus d'une décennie de réformes, de restructurations et autres opérations d'assainissement et de mise à niveau des entreprises publiques. Les critiques de Bouteflika visaient-elles la stratégie industrielle ? Si tel est le cas, il y a lieu de se demander s'il y a une solution de rechange. Car, au-delà des personnes, et au-delà des formes, c'est du devenir du tissu industriel agonisant qu'il s'agit. Les gouvernements successifs se sont essayés dans des réformes visant, toutes, à sauver ce qui pouvait l'être de l'appareil de production national. Ils ont tous injecté de l'argent, changé de gestionnaires, de modes de gestion, de portefeuilles, sans que les entités publiques ne soient devenues fiables et compétitives. Ils ont opté pour un partenariat avec les étrangers. Ce dernier ne vient pas, ou très timidement. Ils ont opté pour les privatisations. Celles-ci ne viennent pas ou ciblent particulièrement des secteurs lucratifs, au détriment de l'appareil de production et des secteurs générateurs de richesses et d'emplois pour le pays. Que des entreprises publiques soient cédées au dinar symbolique, que des marchés soient attribués à des investisseurs étrangers pour une bouchée de pain, cela demeure la faute des hommes et de certaines lacunes dans la législation en vigueur, mais que tout le processus de privatisation et tous les efforts déployés pour attirer l'investissement soient remis en cause, il n'y a qu'un pas à ne pas franchir. À maintes reprises, des investisseurs nationaux et étrangers ont évoqué les entraves qui les empêchent de s'engager à fond en Algérie : le foncier industriel, les lenteurs bureaucratiques, les défaillances du système bancaire et la corruption. Le reste, tout le reste, est une affaire de bonne gestion. Car, de par le monde, les règles sont les mêmes : on investit là où on est sûr de gagner plus et de dépenser moins. Les plus grandes multinationales délocalisent leurs usines dans des pays du tiers-monde en comptant leurs sous. Dernière en date, la firme Adidas, qui songe à quitter la Chine, jugée trop chère, en raison des salaires “trop élevés” des travailleurs chinois. L'Algérie ne pourrait pas constituer une exception à cette règle en ces temps de mondialisation. Critiquer une firme étrangère par ce qu'elle a choisi d'installer son usine de montage de voitures dans un pays voisin, constitue une littérature pour la consommation locale. Car, comparée à ses deux voisins immédiats, l'Algérie offre une piètre image d'elle aux investisseurs étrangers, surtout lorsqu'il s'agit de comparer les systèmes bancaires et la vivacité des Bourses. Les discours alarmants, parfois contradictoires, ajoutent davantage de flou chez les investisseurs qui se plaignent souvent du manque de clarté dans la politique algérienne. L'Algérie a perdu trop de temps et trop d'argent à essayer des demi-formules, toujours avec le même personnel et avec le même esprit rentier, pour tenter de sauver les meubles. Le constat d'échec des privatisations a été maintes fois établi. Il serait temps de passer à autre chose, encore faut-il préciser ce que l'on veut, à la place de ce que l'on a et que l'on aime pas. Azzeddine Bensouiah