L'attaque a visé les candidats au concours d'entrée à l'école supérieure de la Gendarmerie nationale. Elle a suscité de vives réactions tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger. (Pages 2, 3 et 4) C'est un véritable carnage perpétré hier, vers 7h45, aux Issers, 20 km à l'est d'Alger, lorsqu'un kamikaze, conduisant un véhicule bourré d'explosifs, s'est fait exploser au milieu d'un groupe de jeunes candidats venus s'inscrire à l'examen d'un concours d'admission à l'Ecole supérieure de la Gendarmerie nationale des Issers, située à l'entré de la ville. Bilan : 43 morts et plus d'une centaine de blessés, selon un dernier bilan avancé hier après-midi par la Protection civile, dont plusieurs dans un état grave. Un premier bilan donné hier matin faisait état de 42 morts et 42 blessés. Toutes les victimes sont des civils à l'exception d'un seul gendarme qui était posté devant la porte d'accès, alors qu'on compte parmi les blessés six gendarmes. Ce chiffre risque d'évoluer, selon de nombreux médecins de la Protection civile dépêchés sur les lieux. Quatre corps sont complètement carbonisés dont deux sont ceux de passagers d'une 206 verte, alors qu'un autre est celui du kamikaze. Le troisième corps serait, selon des témoignages des habitants rencontrés hier sur les lieux quelques minutes après l'explosion, celui d'un deuxième kamikaze muni d'une ceinture d'explosifs, qui se serait engouffré parmi les jeunes candidats avant de se faire exploser simultanément avec le premier kamikaze, son acolyte. Cette information n'a pu être vérifiée, hier, mais elle a été toutefois confirmée par le chauffeur d'un bus qui se trouvait sur les lieux de l'explosion. L'explosion a été tellement puissante qu'elle a provoqué un cratère de deux mètres de diamètre et un mètre de profondeur. La plupart des victimes sont des jeunes licenciés venus de plusieurs coins de la wilaya passer un test psychotechnique figurant dans le programme de l'école. Selon des rescapés, plus de soixante candidats faisaient la queue devant la porte de l'école lorsqu'ils ont été fauchés par l'explosion. On compte également d'autres personnes, parmi elles, la famille d'un jeune candidat qui, lui, n'a été que blessé car il se trouvait dans l'enceinte de l'école lorsque l'explosion a fauché ses parents qui venaient juste de le déposer devant la porte d'accès. Désemparé et tenant sa tête entre les mains, ce jeune étudiant ne réalisait pas encore ce qui a pu arriver à ses parents, sa mère, son père et son frère dont les corps jonchaient la chaussée. Un peu plus loin, le corps inanimé de khalti Doudja, la femme de ménage de l'école originaire de Chabet El-Ameur qui exerce depuis plus de 20 ans à l'école. “Khalti Doudja s'apprêtait à remplir un seau d'eau lorsque l'explosion s'est produite”, affirme un gendarme, l'air abattu. De l'autre côté de la chaussée, l'image épouvantable du corps d'un passager encastré dans son véhicule. Tout juste derrière, une Citroën Saxo et un véhicule Peugeot 305 partiellement détruits. Leurs occupants ont été grièvement blessés, nous dira un pompier. Au milieu de la route, un bus reliant Oran- Tizi Ouzou est resté figé au centre de la chaussée. La plupart des passagers de ce bus, dont les vitres ont volé en éclats, ont été blessés et transportés au niveau des hôpitaux. À quelques mètres du lieu de l'explosion, des cadavres mutilés gisant dans une grande mare de sang. Les pompiers s'attellent à les couvrir avec des couvertures et des draps tandis que d'autres agents sont occupés à ramasser des lambeaux de chair noircis dispersés un peu partout. Des dizaines d'ambulances ont entamé leur procession pour évacuer les cadavres et les blessés vers les hôpitaux de Tizi Ouzou, Bordj Menaïel, Thénia et Lakhdaria, alors qu'un hélicoptère ambulance de l'ANP venait juste de se poser à l'intérieur de l'école pour prendre les blessés vers l'hôpital de Aïn Naâdja à Alger. Une heure plus tard, des ambulances reviennent sur les lieux avec les cadavres. Motif : les morgues de tous les hôpitaux de la région sont pleines. Le chef de la Protection civile demande à ce qu'on laisse les ambulances accéder aux hôpitaux de la wilaya d'Alger pour déposer les cadavres. Ce sera fait. Devant l'étendue de la catastrophe, la Protection civile demande des renforts, notamment des ambulances pour les cadavres. Le va-et-vient des ambulances s'est poursuivi durant toute l'après-midi. Hier jusqu'à 16h, de nombreuses ambulances continuaient à acheminer les morts et les blessés. Le directeur général de la Protection civile est venu sur les lieux pour superviser les secours. Ses équipes, notamment celles de Boumerdès qui ont acquis une grande expérience, ont effectué hier un travail remarquable en dépit de l'ampleur de la catastrophe. Aux alentours de l'école, de nombreuses habitations ont été soufflées, notamment cette belle villa coloniale aux tuiles vertes connue aux Issers et qui a été complètement détruite. Heureusement, on ne déplore aucune victime parmi ses occupants. Des commerces, qui jalonnent la RN24, ont été eux aussi touchés tout comme les magasins, dont un café situé au niveau du carrefour de la ville. Le wali de Boumerdès, M. Brahim Mered accompagné de M. Bouzad Djillali, vice-président de l'APW, de Mme Dahmani, députée du PT, du maire des Issers et des responsables des services de sécurité de la wilaya, était sur les lieux quelques minutes après l'attentat. Ils seront rejoints deux heures plus tard par le ministre de l'Intérieur, M. Zerhouni, qui est venu sur place s'enquérir de la situation. Le ministre a notamment rendu visite aux citoyens dont les habitations et les magasins ont été touchés avant de se rendre à l'hôpital de Bordj Menaïel pour superviser la prise en charge des blessés. Lors d'un point de presse improvisé, le ministre a déclaré que “les groupes terroristes se trouvent dans une impasse, d'où leur recours à ce type d'attentats qui vise encore une fois des civils”, a affirmé M. Zerhouni, ajoutant que “ces victimes civiles s'ajoutent aux autres victimes civiles de Tizi Ouzou et de Zemmouri”. Et il ajoute que “ces groupes de criminels, qui n'ont aucune vision politique claire, s'acharnent de plus en plus sur des civils parce qu'ils ont perdu espoir et ont été rejetés par les populations”. Le ministre de l'Intérieur, qui répondait volontiers aux questions des journalistes, a ajouté que “ces groupes, qui sont traversés par des problèmes internes, visent surtout à relever le moral de leurs troupes”. Répondant à une question sur la concentration de ces groupes au centre du pays, le ministre a affirmé que “la topographie et le relief de la région avec ses montagnes y ont favorisé la présence de ces groupes”, ajoutant que “cette région a été marquée par un laxisme sur le plan sécuritaire, notamment depuis 2001 après le départ de la gendarmerie de la Kabylie qui a été moins active par rapport au passé”. À une question sur le nombre de terroristes encore en cavale, le ministre a affirmé que “leur nombre importe peu”, avant d'ajouter que la réponse à ces actes est la lutte contre ces groupes terroristes, mais aussi la vigilance des citoyens. “Ces groupes, qui se trouvent dans une impasse, n'ont aucune solution que celle de se rendre.” De son côté, le secrétaire général de l'UGTA, M. Sidi-Saïd, accompagné des responsables locaux de l'UGTA, qui se trouvait hier sur les lieux de l'attentat a condamné “ces actes barbares et lâches qui veulent faire retourner le pays aux années difficiles qu'il a vécues”. À noter que le ministre de la Santé s'est rendu hier au chevet des blessés qui ont été acheminés au niveau des hôpitaux de Thénia et Bordj Menaïel. M. T.