“Dans leur forme actuelle, les EPLF (Entreprises de promotion du logement familial) n'ont pas contribué à réaliser le million de logements.” Ainsi fut tranché par le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme le sort de ces entreprises, dont la mission a été de construire et de vendre des logements. Il n'y a pas longtemps, Nourredine Moussa nous rassurait sur le fait que l'objectif était à notre portée. Mais, à quelques mois du bilan de l'un des rares programmes chiffrés du second mandat de Bouteflika, il semble avoir admis que le rendez-vous sera manqué et que le pouvoir doive se défausser sur un coupable. Jusque dans sa formulation et son argumentation, la décision prend la forme d'une sanction politique : les EPLF sont dissoutes parce que “leur contribution (à la réalisation du million de logements) a été limitée, marginale”. La procédure, relevant plus de l'arbitraire politique que du fonctionnement institutionnel, le confirme. Le ministère de l'Habitat agit, ici, en tutelle envers des entreprises réputées “autonomes”, régies par les règles de gestion des capitaux marchands de l'Etat et rattachées à des centres de contrôle et de gestion que sont les SGP, leurs conseils d'administration et l'assemblée générale. “Le million de logements” est une référence programmatique ; les entreprises ne sont pas individuellement comptables de la réalisation globale d'un programme politique. Elles sont comptables de leurs relations à leurs clients, dont éventuellement l'Etat, du respect des normes de leur métier et des objectifs de développement et de rentabilité contractés avec leurs sociétés de gestion. En règle générale, c'est le marché qui peut imposer de les dissoudre. Ou tout au moins l'institution qui représente l'Etat-propriétaire, mais dans le cadre d'une stratégie sectorielle, pas comme acte d'un échec politique. Etrangement, à ce sujet, les OPGI et l'AADL, organismes qui agissent sous l'autorité directe de la tutelle, sont épargnés du reproche. Les concurrents privés, nationaux et étrangers, vont-ils être évalués sur le même critère de “contribution au million de logements” ? Au demeurant, et sans préjuger de l'efficacité réelle des EPLF, ce que l'on sait, c'est que certaines d'entre elles ont connu un développement fulgurant qui les a amenées à s'épanouir en dehors des wilayas où elles devaient statutairement se cantonner. “La forme actuelle” des EPLF n'est sûrement pas un modèle qu'il faut absolument sauvegarder, et les raisons de réformer le secteur de la construction existent certainement. Mais le principe de faire endosser, a posteriori, l'échec d'un engagement politique à des entreprises est discutable. Le cas échéant, et si l'on était en démocratie, c'est le pouvoir qui devrait être sanctionné pour n'avoir pas su adapter les instruments à ses promesses. À ce train, il va falloir désigner les entités qui “n'ont pas contribué” à la création des “deux millions d'emplois”, du sauve-qui-peut désespéré de la jeunesse, du désordre du marché de consommation, etc. On se décharge déjà de la responsabilité de la panne de la relance économique et de l'évasion monétaire et fiscale. M. H. [email protected]