La 14e session tripartite entre le gouvernement, l'UGTA et le patronat, qui s'ouvre aujourd'hui à la résidence d'Etat El-Mithak, semble suivre l'exemple des consultations politiques qui se déroulent depuis quelques jours à la présidence de la République. Depuis au moins deux décennies, les mêmes dirigeants des organisations patronales et de l'UGTA rencontrent le gouvernement pour discuter des questions économiques et sociales, et aboutir à des accords. Et depuis une vingtaine d'années, les décisions qui sont prises lors de chaque tripartite portent leurs propres limites et aboutissent rapidement à des mouvements sociaux sur lesquels les réunions de la tripartite semblent n'avoir aucune influence. Pourtant, la tripartite de 2011 se tient dans une conjoncture politique et économique différente des précédentes. Premier constat, l'UGTA ne peut dorénavant représenter à elle seule le monde du travail au sein de la tripartite. Le multi-syndicalisme est devenu une réalité en Algérie. Les récents mouvements sociaux qui ont ébranlé plusieurs secteurs d'activités relevant de la Fonction publique nous renseignent sur le poids actuel de l'appareil de l'UGTA sur le monde du travail. En cette 14e tripartite, le gouvernement avait tout intérêt à élargir le dialogue social avec l'ensemble des organisations syndicales non affiliées à l'UGTA pour aider à désamorcer les tensions sociales et surtout exposer les réalités économiques et financières du pays. Le gouvernement doit avant tout expliquer à toutes les organisations syndicales qu'il n'a plus les moyens de dépenser plus que ne le permet «la rente pétrolière» en 2011. Dans le projet de loi de finances complémentaire de 2011, et en raison des multiples décisions prises pour augmenter les salaires et le paiement des indemnités, les dépenses budgétaires devrait passer à 8 275 milliards de dinars, à un moment où les recettes budgétaires devraient avoisiner les 2 992 milliards de dinars seulement sur la base d'un prix de référence du baril de pétrole à 37 dollars. D'où un lourd déficit prévisionnel dépassant les 5 280 milliards de dollars. Malgré ce niveau plus qu'élevé des dépenses publiques, l'Algérie ne devrait connaître une croissance économique de 3,7% en 2011. Une croissance jugée faible si on prend en considération le taux de croissance démographique selon l'Office national des statistiques, qui a dépassé les 2,47% en 2010. Pour un tel taux de croissance démographique, il faudrait une croissance moyenne de l'économie algérienne supérieure à 7% pour créer assez de richesses et d'emplois. En réponse à cette donne incontournable, l'UGTA demandera au gouvernement de maintenir l'effort d'assainissement et de soutien aux entreprises publiques pour sauvegarder quelques milliers d'emplois. De leur côté, les organisations patronales vont demander le même traitement accordé par l'Etat aux entreprises publiques. «Pourquoi alors ne pas effacer les dettes des privés !» disent certains. Le Forum des chefs d'entreprises fait de l'annulation du crédit documentaire (Credoc) son cheval de bataille. C'est comme si avant l'institution du Credoc l'entreprise algérienne était performante et une fois le Credoc exigé, elle se serait effondré ! De par le monde, il est connu que pour dynamiser l'économie, l'Etat intervient avec une multitude de mesures de soutien aux entreprises. Mais à aucun moment un gouvernement ne puise dans les finances publiques pour effacer des dettes ou injecter de l'argent frais. Ce sont les banques et autres établissements financiers qui ont pour mission d'accompagner les entreprises et non pas le Trésor public. A quoi sert donc une entreprises ou une exploitation agricole, qu'elle soit publique ou privée, si elle ne crée pas des richesses et des emplois et surtout participer à l'effort fiscal national. Quel que soit le discours que développera l'actuel gouvernement, la réalité actuelle de la dépense publique ne laisse aucune place à la démagogie. En premier lieu, le déficit budgétaire va se creuser davantage dans les années à venir. Le budget de fonctionnement dépasse largement celui de l'équipement (investissement public) dans le projet de la LFC 2011. En clair, l'argent du pétrole servira de moins au moins à financer les grandes infrastructures et autres équipements socioéconomiques à l'avenir. En second lieu, dorénavant, la fiscalité pétrolière, même avec un prix moyen dépassant les cent dollars le baril, ne peut plus couvrir la totalité des dépenses budgétaires en fonctionnement et en équipement. Et les pressions des déficits ne pourraient plus être supportées par le Fonds de régulation des dépenses publiques (FFR). Un retour de l'endettement interne et même externe n'est plus à écarter à moyen terme. En troisième lieu, les transferts sociaux sont de plus en plus lourds. Les montants consacrés au soutien des prix des céréales, du lait, du sucre et de l'huile ne cesseront d'augmenter à l'avenir, sous la triple pression d'une forte demande et des prix élevés sur les marchés mondiaux ainsi que du taux de croissance démographique. Avec une croissance de la consommation de l'énergie, qui est en moyenne annuelle de 7%, l'Etat dépensera de plus en plus d'argent pour soutenir le prix de l'électricité et du gaz naturel. Même exemple pour l'eau dont le coût de production par la douzaine de stations de dessalement de l'eau de mer est très élevé. Le Trésor public devra mobiliser d'importants moyens financiers pour soutenir le prix de l'eau potable y compris l'eau destinée à l'irrigation des terres agricoles. Avec 800 000 nouvelles naissances annuellement, nous serons 45 millions d'Algériens en 2020. Pour répondre aux besoins de cette nouvelle population, l'Etat doit dépenser annuellement plus d'argent au profit de la santé, de l'éducation, etc. Et il est certain aujourd'hui que le pétrole seul ne pourrait plus à lui seul couvrir l'actuelle politique économique et sociale mené par le gouvernement. Et ce ne sont pas les participants à la tripartie d'aujourd'hui qui vont trouver des réponses aux grandes questions que nous nous posons pour l'avenir.