«Consolider la privatisation dans notre pays.» La déclaration est de M. Ouyahia, chef du gouvernement. Elle a été faite dimanche lors de la conférence de presse qu'il a animée à Djenane El Mithak à Alger à l'issue de la tripartite. Lancée à brûle-pourpoint, il s'agissait d'une mise au point à ce qui s'écrivait, se disait et se répétait dans le milieu algérien des affaires. C'était aussi une réponse à la rumeur sur le retour à l'étatisation de certaines entités industrielles nationales. La déclaration est passée comme un souffle d'air. Ouyahia ne s'est d'ailleurs pas trop attardé sur la question. Elle sonne comme une véritable confirmation de la démarche engagée récemment par le président de la république, Abdelaziz Bouteflika, quant au développement de la production sidérurgique et la création d'une industrie automobile. Par l'ampleur, calendrier et sacrifices qu'ils sous-entendent, ces deux projets sont sans précédent dans notre pays. C'est pourquoi, il y a cette fébrilité perceptible que nos sources affirment avoir relevé depuis quelques mois au niveau du ministère de l'Industrie, des Investissements et de la PME. L'accord portant sur la mise en route par la société mixte algéro-franco-indienne ArcelorMittal Annaba du plan d'investissement financé par les banques algériennes pour 500 millions d'euros le confirme. Quelques semaines auparavant, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, sonnait la charge pour la réactualisation de la convention portant sur la réalisation dans la wilaya d'Oran d'une aciérie électrique. Elle avait été signée courant 2008 entre le gouvernement algérien et un groupe turc spécialisé en la matière. D'une capacité de 700.000 tonnes/an pour un effectif de démarrage de 1200 postes de travail direct, elle devait être réalisée avant toute implantation d'une usine de construction ou de montage automobile. Bien que le groupe franco-indien leader mondial de l'acier ArcelorMittal ait exprimé son intéressement sur le dossier, c'est celui turc qui avait été retenu. Au premier, il aurait été reproché son désistement sur le projet sidérurgie de Bellara (Jijel). D'autres critères auraient plaidé en faveur des Turcs. Notamment leur maîtrise du secteur automobile. Il représente dans ce pays, la 2e activité exportatrice animée par 1000 entreprises employant 500 000 personnes pour la construction de 700.000 voitures. L'entrée de la Turquie dans l'union douanière avec l'Union européenne a valu à l'industrie automobile turque une rapide mutation au point de devenir un centre de production à vocation mondiale. Tout ce remue-ménage autour du projet de construction automobile en Algérie est attentivement suivi par le groupe ArcelorMittal au Luxembourg. C'est en tous les cas l'interprétation à accorder à la déclaration faite par Vincent le Gouïc, le directeur de la filiale ArcelorMittal Annaba lorsque, dans une récente interview accordée à la Nouvelle République, il a affirmé : « Je sais qu'il y a un projet d'augmenter les capacités sidérurgiques totales de l'Algérie. D'ailleurs, avec notre projet de développement, nous nous y inscrivons. Mais je ne peux pas dire qu'il y a actuellement des discussions que ce soit avec ArcelorMittal ou avec d'autres. Je sais par contre qu'il y a des dossiers en suspens avec un groupe turc pour la réalisation d'une aciérie électrique dans l'Ouest du pays. Une convention a même été signée en 2008. Il est donc probable que le gouvernement algérien soit tout à fait ouvert à l'arrivée d'investisseurs dans le domaine de la production d'acier pour l'automobile. Le projet de réalisation d'une aciérie électrique à Oran est aussi confirmé par Smaïl Kouadri auquel rien n'échappe quand il s'agit de sidérurgie : «Effectivement, un projet de réalisation d'une aciérie électrique est actuellement en discussion avec un groupe turc. D'une capacité de 700.000 tonnes, elle est destinée à approvisionner, entre autres, l'industrie automobile que les pouvoirs publics envisagent de créer dans notre pays». Cette offensive des plus hautes autorités du pays est un des plus importants paris que Abdelaziz Bouteflika souhaiterait gagner avant la fin de son mandat. A la tripartite, Les «patrons» ont éludé toute question ayant trait au développement de la grande ou la petite industrie, obnubilés qu'ils étaient par le bénéfice des mesures que l'Etat envisage de prendre pour développer l'économie nationale. Côté syndical, même si Abdelmadjid Sidi Saïd, le secrétaire général de la centrale UGTA n'a presque rien dit lors de la tripartite, ce sont les syndicalistes qui se sont exprimés. Ils l'ont fait à l'occasion du mouvement de grève générale illimitée enclenché samedi 28 mai au complexe sidérurgique ArcelorMittal El Hadjar. Le débrayage coïncidait comme par hasard avec le jour même de la tenue de cette tripartite. Tout un message que le «patron» de la majorité des syndicalistes algériens a transformé en simple avertissement à l'adresse des animateurs des organisations patronales algériennes.