Lorsqu'un « empire colonial » n'a plus les moyens matériels, financiers et psychologiques de continuer son expansion territoriale et de prendre le risque de se désagréger sous les coups du phénomène « de sur-extension impériale» défini par Paul Kennedy, alors il se rétracte provisoirement et redéfinit ses objectifs politiques et géostratégiques militaires dans le monde. C'est ce qui s'est passé avec l'Empire romain, et c'est ce qui semble se passer avec l'empire états-unien avec la nouvelle administration Obama. En panne de légitimité internationale, enfoncée dans le bourbier Irakien, la politique belliciste impériale de l'ex-administration Bush vilipendée par une opinion américaine et internationale grandissante, l'Amérique d'Obama en proie à une grave crise économique et financière intérieure semble ne plus avoir les ressorts financiers et psychologiques de persister dans l'application militaire du « chaos contrôlé » ou « chaos constructif » en Irak et au Moyen-Orient. Marquant donc une pause stratégique, sans pour autant renier ses objectifs impérialistes et géoconstructivistes dans le monde, la nouvelle administration tente de redéfinir la notion de guerre, qui marque un glissement conceptuel de guerre préventive vers la notion de « guerre irrégulière ». Le clin d'œil obamien aux musulmans, les déclarations conciliantes à l'égard de l'Iran et de la question palestinienne s'inscrivent dans le droit fil de cette nouvelle stratégie néodétentiste. La nouvelle stratégie militaire en Irak ainsi que l'impact psychologique de la fermeture du camp de Guantanamo s'annoncent comme des spins médiatiques innovants, résultant d'un audit générale sur les erreurs multipliées par l'administration Bush dans la guerre en Irak, et elles sont destinées à calmer les ardeurs pacifistes de l'opinion politique internationale, ainsi qu'à amadouer l'opinion publique musulmane par une stratégie de séduction vis-à-vis de la population locale irakienne. Après plusieurs années et quelques milliers de victimes, le climat est très différent. L'augmentation de la violence en Irak et en Afghanistan a entraîné une profonde remise en question de l'efficacité de la démarche tactique américaine. De plus, malgré un budget militaire d'une ampleur sans précédent, les troupes et l'équipement adaptés au combat terrestre ont fait défaut du fait des lourdes dépenses engagées dans de vastes systèmes très sophistiqués. Beaucoup ont estimé que le renversement réussi des régimes taliban et irakien avait créé un vide dans l'ordre public, vite rempli par des insurgés politiques et de violents criminels, et que les efforts pour attaquer les rebelles à l'aide d'une puissance de feu supérieure ne faisaient que renforcer l'opposition aux occupants. Cette nouvelle stratégie n'impliquait pas seulement un accroissement des effectifs : il s'agissait surtout d'un profond changement en termes de stratégie et de tactique, fondé sur une approche centrée sur la population locale. Le cas de la Libye est assez édifiant pour cela. A bon entendeur, salut !