Le Premier ministre turc Rejeb Tayyeb Erdogan a été reconduit le 12 juin 2011 pour un troisième mandat à la tête de son pays dans un contexte marqué par le bouleversement de la carte géopolitique régionale impulsé par la dynamique révolutionnaire arabe, sur fond d'ambition d'Ankara de propulser une politique néo-ottomane visant à ancrer la Turquie comme le nouveau point de référence diplomatique du Moyen-Orient. Suscitant par réaction la consolidation d'un front pétro-monarchique conservateur par adjonction du Maroc et de la Jordanie, ce bouleversement a incité les Etats-Unis à renouer une grande alliance avec la frange moderniste de l'islam sunnite pour pallier ses avatars du printemps, dans une conjonction turco-américaine à l'effet de lever l'ostracisme qui frappe les «Frères musulmans» dans les pays arabes. Point de jonction entre l'Europe et l'Asie, la Turquie constitue un pays central de la configuration régionale. Frontalière de huit pays (Bulgarie, Grèce, Syrie, Irak, Iran, Azerbaïdjan, Arménie et Géorgie), elle est bordée par trois mer,s la mer Noire au nord, la mer Egée à l'ouest et la mer Méditerranée au sud. Elle contrôle de surcroît le détroit du Bosphore et celui des Dardanelles. Seul dirigeant musulman assuré d'une visibilité politique à moyen terme, sauf accident de parcours, M. Erdogan ambitionne de se poser en modèle de gouvernance islamique comme sous-bassement à sa diplomatie néo-ottomane en vue de promouvoir son pays comme chef de file de la nouvelle configuration régionale. Dans l'ordre symbolique, il se propose d'ailleurs d'assurer, sur le plan urbanistique, la jonction entre l'Europe et l'Asie par l'édification de deux villes balises anti-sismiques dans la zone tellurique d'Istanbul. L'ancien maire d'Istanbul souhaite, en effet, neutraliser par anticipation les effets des séismes dont l'ancienne capitale de l'Empire en est la cible potentielle de par sa localisation géologique, en construisant des villes satellites, l'une en Anatolie (Asie) et l'autre dans la zone européenne, ayant vocation à absorber l'exode des 14 millions habitants d'Istanbul en cas de séisme. Le projet d'une valeur de 200 milliards de dollars prévoit que ces deux villes seront reliées par un pont de 45 km, d'une largeur de 150 mètres et d'une profondeur faisant la jonction entre l'Anatolie et la zone européenne. Parallèlement, Ankara devrait se doter d'importantes structures militaires et hospitalières à l'effet de propulser la capitale turque au rang de mégapole de l'industrie d'armement et de vaste complexe hospitalier à bas prix de dimension transcontinentale. Un troisième pôle de développement est prévu à Diyarbakir, chef-lieu de la zone kurde. (A suivre)