Décidément, le discours schézophrénique de Rabat sur l'Algérie trouve toujours un échos dans une presse à la solde du Makhzen. Après avoir qualifié, à maintes reprises, l'Algérie d'ennemi potentiel et de menace pour la stabilité et la paix régionales, voici le roi Mohhamed VI revenir à de meilleurs sentiments, à ces suppliques rituels pour la réouverture des frontières, fermées depuis 1994. C'est la preuve qu'il ne désespère pas, même après les refus successifs d'Alger à ses doléances. «Nous tenons à l'amorce d'une nouvelle dynamique ouverte sur le règlement de tous les problèmes en suspens, en prélude à une normalisation totale des relations bilatérales (...) y compris la réouverture des frontières terrestres», a dit Mohamed VI. «Cette démarche exclut tout immobilisme ou ostracisme incompatible avec les liens de bon voisinage, l'impératif d'intégration maghrébine et avec les attentes de la communauté internationale et de notre espace régional», a ajouté le souverain marocain dans un discours radiotélévisé et largement répercuté, comme d'habitude, par la presse parisienne. Depuis 2008, le souverain alaouite s'est livré à plusieurs suppliques dictées par une véritable détresse sociale qui couvait dans le pays depuis longtemps. Avec son ton alarmé, à la fois menaçant et suppliant, ces précédents discours sonnaient comme un rappel, avant de passer à un autre style de langage, qu'il a l'habitude de se réserver dans pareils cas, pour accentuer la pression et le jeu des chantages, au sujet notamment du Sahara occidental. Si Rabat cherche aujourd'hui à tout prix à dégeler ses relations avec Alger, pour obtenir en priorité et illico la réouverture des frontières, c'est sans doute parce qu'il y a péril en la demeure : les émeutes sanglantes au Sud du Maroc, qui menacent de resurgir à tout moment, illustraient, on ne peut mieux, la gravité de la crise sociale dans ces régions déshéritées, qu'on dirait seul un éventuel retour des touristes algériens pourrait ranimer. Conscients qu'une telle situation met leur pays dans une position défensive, au plan régional et international, nos voisins n'ont plus d'autres choix : l'instabilité interne risque bien de se déteindre dangereusement sur toutes les provinces du Sud occupées. Cette duplicité dans le discours officiel marocain illustre bien la situation désespérée dans laquelle se trouve notre voisin, loin du satisfecit européen sur l'évolution des réformes démocratiques et économiques dans ce pays. Mohammed VI réitère cette demande à Alger, alors que le climat psychologioquie et politique est loin d'être assaini entre les deux pays : affaire du Sahar occidental, campagne d'hostilité médiatique contre l'Algérie – la dernière en date fait référence à cette ubuesque histoire de soutien algérien au régime de Mouammar Kadhafi –, l'appui du mouvement autonomiste kabyle de Ferhat Mehenni, de plus en plus assumé… Sont autant d'obstacles qui ne sont pas faits pour persuader l'Algérie d'accepter une normalisation sans lendemain. Après ce discours, il faut bien s'attendre à une énième levée de boucliers dans la presse marocaine contre l'Algérie, qui, à son tour, ne manquera pas de susciter des réactions hostiles de l'autre côté des frontières et d'aggraver ainsi la tension entre les deux pays.