Présenté comme l'outsider du mouvement rival, le MSP, et le favori des prochaines élections législatives, le nouveau parti fondé par Abdallah Djaballah, le Front pour la justice et le développement (FJD), a tenu son congrès constitutif ce week-end devant 5 000 personnes. Le FJD fait partie des 17 nouvelles organisations politiques autorisées à tenir leurs congrès constitutifs. Grisé par cette entrée en scène tout à fait réussie, Djaballah s'est laissé aller dans son discours à des excès, en enfilant son burnous d'islamiste populiste, appelant à la défense des «constantes» et au «renouveau religieux». Il a évoqué le «triptyque sacré » de son parti : «Islam-Nation-Peuple». «Nos politique, programme et actions seront au service de la religion, de la nation et du peuple» a-t-il dit, précisant que «le Front (FJD) est constitué des fondateurs du renouveau islamique dans ce pays». D'aucuns ont vu dans cette mise en exergue des valeurs religieuses un clin d'œil clair en direction de la base de l'ex-FIS – ou ce qui en reste –, qui demeure l'objet de toutes les convoitises à l'approche des élections du 10 mai. Mais cela peut devenir, pour lui et tous les mouvements islamistes algériens, un leitmotiv dangereux pour mobiliser un électorat très sensible au discours religieux. Ce qui doit amener les autorités, dès maintenant, à veiller à l'application de la loi et à activer les garde-fous qu'elles ont mis en place pour prévenir contre d'éventuels dérapages : en l'occurrence, le gouvernement se doit de rappeler, ici, l'interdiction de l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques en toute circonstance. A l'instar des leaders d'autres formations islamistes, Abdallah Djaballah veut surtout être au rendez-vous avec l'histoire en accompagnant cette «vague verte» qui frappe depuis une année dans le monde arabe et qui, au moins dans quatre pays, a placé des mouvements islamistes au pouvoir. Lui et son mouvement ont l'avantage de ne pas être associés, officiellement du moins, à la gestion des affaires de l'Etat. L'ancien leader des mouvement Ennahda et El-Islah, qui n'a pas réussi à «redresser» la situation à l'intérieur de son ancien parti comme il l'avait fait, il y a quelques années, lorsqu'il était confronté au même type de problème avec les autorités, s'est vu à un moment interdit d'élection, lui et son mouvement. Des observateurs avaient jugé, en son temps, que c'était quelque part une ingratitude que d'exclure un mouvement comme El-Islah et son président qui avaient accompagné, durant des années, tout le processus dit de «parachèvement de l'édification des institutions» et qui s'étaient quand même démarqué de la mouvance radicale et s'étaient toujours inscrit dans la légalité et le respect des lois de la République. Aigri, Saad Abdallah Djaballah avait qualifié cette décision d'anticonstitutionnelle et accusé le pouvoir politique de vouloir liquider son parti et se venger de lui pour les positions qu'il continuait à défendre sur un certain nombre de sujets. Il aurait été plus crédible toutefois s'il avait osé faire son autocritique, en avouant les torts du pouvoir absolu qu'il a toujours exercé à la tête de ses différents partis. Mais là c'est une autre histoire, qui demeure la grande tare de la démocratie algérienne.