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Le dinar à la recherche d'un taux de change équilibré
Publié dans La Nouvelle République le 27 - 03 - 2012

En cette dernière semaine du mois de mars de l'année en cours, un dollar s'échangeait à 73,13 DA à l'achat et 77,60 DA à la vente. Tandis que l'euro était coté à 97,67 à la vente et 105,78 à l'achat. Il n'y a pas très longtemps ce taux de change du dinar était au centre d'une polémique.
Selon certains milieux patronaux, le dinar aurait subi une récente dévaluation, non déclarée, face à l'euro et au dollar. Une dépréciation qui aurait des incidences sur les prix à l'importation, entraînant ainsi une hausse de l'inflation. En réaction à ces allégations, l'autorité monétaire, en l'occurrence la Banque d'Algérie, réagissait en soulignant que «la dévaluation du dinar est une décision du gouvernement qui doit avoir l'aval du Parlement ». Retour en arrière pour compren-dre la différence qui existe entre dévaluation et dépréciation de la monnaie nationale. Au mois d'avril de l'année 1994, le gouvernement algérien décide, sous la contrainte, de dévaluer brusquement le dinar de plus de 40%. Cette année-là, l'Algérie était en cessation de paiement, et un accord de rééchelonnement de la dette extérieure était conclu avec le Club de Paris et le Club de Londres. L'accord a été conditionné par une application stricte d'un plan d'ajustement structurel (PAS) dicté par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Le PAS devait, selon ses concepteurs, faire passer l'Algérie d'une économie dirigée à une économie de marché. Pour réaliser cet objectif, le dinar a été dévalué de 75% d'avril 1994 à décembre 1997. La dévaluation de la monnaie nationale entraîna la dissolution de plus de 800 entreprises publiques et la perte de 270 000 postes d'emploi. La situation financière et économique de l'Algérie en ce mois de mars 2012 ne ressemble en rien à la terrible crise de l'année 1994. L'économie du pays n'est plus soumise aux conditionnalités du FMI, tandis que les principaux indicateurs financiers sont au vert. Selon les données de la Banque d'Algérie, la dette extérieure du pays a été ramenée à 5,5 milliards de dollars en 2010 alors qu'elle dépassait les 30 milliards de dollars en 1998. Au cours des neuf premiers mois de l'année 2011, l'excédent de la balance courante a été de 15,60 milliards de dollars, tandis que les réserves de change avoisinaient les 176 milliards de dollars. Le niveau élevé de ces réserves de change permet de classer l'Algérie à la onzième place dans le monde. La valeur du dinar et la hausse des importations Expliquant le processus de cotation de la monnaie nationale, la note de conjoncture de la Banque d'Algérie du premier semestre 2011 précise que «son intervention sur le marché interbancaire des changes a eu pour résultat le maintien du taux effectif réel du dinar quasiment à son niveau d'équilibre à moyen terme, en dépit de la volatilité accrue des cours de change des principales monnaies, marquée par une dépréciation du dollar par rapport à l'euro». Toujours selon la Banque d'Algérie et en moyenne sur le premier semestre 2011 par rapport aux six premiers mois de 2010, le taux de change effectif réel du dinar a légèrement baissé de 1,33% contre une hausse de 2,60% durant la même période en 2010. La baisse du taux de change du dinar face aux deux principales devises, le dollar et l'euro, s'est accentuée au début de l'année 2012. Par cette baisse, les pouvoirs publics tenteraient-ils de freiner la lourde facture des importations ? Cette hypothèse n'a pas été écartée par les analystes. Récemment un grou-pe de sénateurs avait demandé une revalorisation du dinar algérien. Karim Djoudi, ministre des Finances, leur répondra que «si vous revalorisez le dinar, vous allez gêner le développement des exportations hors hydrocarbures, et casser ainsi une dynamique qui a commencé». Avant d'ajouter qu'«une augmentation de la valeur du dinar par rapport aux principales monnaies étrangères favorisera aussi les importations qui deviennent moins chères». En 2011 les importations de biens du pays se sont élevées à 45,45 milliards de dollars contre 40,47 milliards de dollars une année auparavant. Représentant ainsi une hausse assez importante de l'ordre de 14,78%. Alors qu'en 2006 le montant des importations de biens n'était que de 20,68 milliards de dollars. Ainsi, et en l'espace de six ans, les importations, en terme de valeur, ont plus que doublé. Cette forte hausse des importations ces six dernières années n'a pas pour autant profité à la croissance économique. De 2006 à 2011, la croissance moyenne du produit intérieur brut (PIB) est restée dans une faible fourchette allant de 2% à 3,3%. Ce constat est conforté par l'analyse de la structure du commerce extérieur de l'année passée. Cette dernière fait ressortir qu'une faible part des marchandises importées est destinée à faire tourner l'économie réelle, l'industrie et l'agriculture. Le secteur industriel, hors hydrocarbures, ne constitue que 5% du produit intérieur brut. Tandis que l'agriculture et malgré les fortes subventions accordées par l'Etat, arrive difficilement à dépasser la barre des 9%. Cette faible part de l'industrie manufacturière et de l'agriculture dans la formation du PIB permet de dire que les forts montants consacrés annuellement aux importations de biens ne profitent pas aux activités économiques productrices de richesses. Une situation qui s'est répercutée sur les exportations hors hydrocarbures qui n'ont été que de 2,15 milliards de dollars en 2011, soit seulement 2,93% du volume global des exportations. Mais dans le commerce extérieur et à côté des importations de biens, nous trouvons aussi celles des services hors revenu des facteurs. Ces derniers concernent en particulier les importations des services techniques par les entreprises, les transports et les services des administrations publi- ques. Ainsi, et en 2011, la facture des importations de ce genre de services avait largement dépassée les 12 milliards de dollars. Une année auparavant, le montant de ces importations a été de 11,90 milliards de dollars. En 2006, la facture des importations des services n'a été que de 4,78 milliards de dollars. Elle a ainsi été multipliée par trois en l'espace de six ans. Ce qui est énorme et injustifié en même temps. En parallèle, les exportations annuelles des services de l'Algérie restent en moyenne inférieures à 4 milliards de dollars. Le déficit de la balance commerciale des services hors revenus des facteurs net est lui aussi couvert par l'excédent réalisé par les exportations des hydrocarbures. Largement tributaire des hydrocarbures, l'économie algérienne reste faiblement compétitive. Avec des exportations hors hydrocarbures qui ne dépassent pas les 3% de la totalité des recettes et un lourd déficit de la balance commerciale des services hors facteurs, le dinar algérien ne doit sa valeur actuelle qu'au prix moyen du baril de pétrole qui reste élevé sur le marché mondial. Le jour où le prix des hydrocarbures baissera sur les marchés la valeur du dinar chutera inévitablement. Le dinar et le budget de l'Etat La valeur du dinar est, elle aussi, tributaire du déficit budgétaire de l'Etat. Ces dernières années, les lois de finances sont élaborées sur la base d'un prix moyen du baril de pétrole à 37 dollars et un taux de change de 74 dinars pour un dollar. La loi de finances de l'année 2012 prévoit des dépenses de l'ordre de 7 428 milliards de dinars et des recettes de 3 455,6 milliards de dinars. D'où un lourd déficit budgétaire dépassant les 3 973 milliards de dinars, équivalent à 34% du PIB (produit intérieur brut). Pour combler ce lourd déficit, le gouvernement emprunte sur le marché financier. En 2010, la dette publique intérieure de l'administration centrale s'élevait à plus de 1 100 milliards de dinars. Et pour éviter de creuser encore plus l'endettement public, à l'exemple de certains pays européens, le gouvernement puise aussi dans le Fonds de régulation des recettes dont le montant avait dépassé les 5 116 milliards de dinars à fin septembre 2011. Un important déficit des finances publiques alimente l'inflation et influe sur la valeur d'une monnaie. Ce risque a été récemment relevé par le Fonds monétaire international (FMI). Ce dernier a appelé l'Algérie à modérer ses dépenses publiques dont la progression pourrait amener de l'inflation et fragiliser les comptes publics. Le Fonds n'a pas écarté une probable appréciation du dinar en soulignant qu'elle « saperait la compétitivité et la diversification de l'économie algérienne». Avant d'ajouter qu'une «expansion des dépenses pourrait aussi compromettre la viabilité à moyen terme et réduire la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour mettre en œuvre des politiques qui soutiennent la diversification économique». Ces observations du FMI ont fait réagir le ministre des finances, Karim Djoudi. Celui-ci dira que «le soutien des prix et les augmentations de salaires relèveraient d'un choix politique du gouvernement». Mais le gouvernement pourra-t- il soutenir, sur le long terme, un niveau aussi élevé de dépenses publi- ques ? En 2006 les dépenses budgétaires réelles n'étaient que de 2 453 milliards de dinars. Elles passeront à 4 512 milliards de dinars en 2010 et à des prévisions de 7 428 milliards de dinars dans la loi de finances de 2012. Ainsi, et en l'espace de sept ans, les dépenses de l'Etat ont été multipliées par trois. Concernant les recettes, elles sont passées de 3 640 milliards de dinars en 2006 à près de 5 400 milliards de dinars en 2011. Ce qui ne représente qu'une hausse de 50% durant ces six dernières années. En raison de ce déséquilibre entre la croissance des dépenses et celle des recettes, à partir de l'année 2009 le solde budgétaire global de l'Etat est devenu déficitaire. Il s'est lourdement aggravé en 2011. Une dépréciation du dinar permet entre autres de réduire un peu le déficit budgétaire. La loi de finances de l'année en cours a été élaborée sur la base d'un taux de change de 74 dinars pour un dollar. Un seul dinar de plus perdu face au dollar rapporte au Trésor public près de 48 milliards de dinars de plus en fiscalité pétrolière sur la base d'un prix moyen du baril de pétrole de l'année 2011. D'où le poids de la fiscalité pétrolière qui représente aujourd'hui plus de 60% des recettes budgétaire de l'Etat. A la veille du début de la campagne électorale
des prochaines législatives, il serait intéressant de con-naître les propositions des partis politiques concernant cette problématique du taux de change du dinar et la politique budgétaire qui reste largement dépendante du prix moyen du baril de pétrole sur le marché international.


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