Dans un nouveau rapport, Amnesty international a indiqué que plus de 5 000 personnes demeurent toujours détenues par des milices en Libye. L'organisation affirme que près d'un an après la chute de Tripoli aux mains des révolutionnaires, les violations des droits humains, notamment les arrestations et détentions arbitraires, les actes de torture mettent en péril les premières élections nationales du pays depuis le renversement du régime. En plus des pro-Kadhafi, des centaines de subsahariens, et de magrébins sont retenus par les milices libyennes selon plusieurs médias. La Libye risque d'être le théâtre de ces mêmes violations des droits humains qui ont conduit à la «Révolution du 17 février», à moins que les vainqueurs des élections prévues le 7 juillet ne placent au premier rang de leurs priorités le rétablissement de l'Etat de droit et le respect des droits fondamentaux, a écrit Amnesty international dans son rapport publié il y a trois jours. Dans ce rapport intitulé «Libya : rule of law or rule of militai», l'organisation affirme que près d'un an après la chute de Tripoli aux mains des révolutionnaires , les violations des droits humains, notamment les arrestations et détentions arbitraires, les actes de torture, l'impunité pour les homicides illégaux et les déplacements forcés, mettent en péril les premières élections nationales du pays depuis le renversement du régime de Mouammar Kadhafi. Lors d'une visite en Libye en mai et en juin, Amnesty International a constaté que des centaines de milices armées continuent d'agir au mépris de la loi, refusant d'être désarmées ou de rejoindre l'armée ou la police nationale. Le ministère de l'Intérieur a indiqué qu'il a pu démanteler quatre milices à Tripoli, ce qui représente une part infime de l'ensemble. «Il est plus que décourageant de constater qu'après tant de mois, les autorités aient échoué de manière flagrante à briser la mainmise des milices sur la sécurité en Libye, qui se traduit par des conséquences dramatiques pour la population, touchée de plein fouet par ces agissements, a déploré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d'Amnesty international. «La Révolution du 17 février est née de la volonté d'en finir avec la répression et l'injustice. Si rien n'est fait pour stopper les violences et l'anarchie, le danger est bien réel que la Libye se mettrait à reproduire et consolider les différentes formes de violations des droits humains qui prévalaient depuis 40 ans.» Les milices continuent d'arrêter des citoyens et de les placer en détention, dans des centres non officiels tenus secrets. Malgré certaines initiatives visant à placer les centres de détention sous le contrôle des autorités centrales, on estime qu'environ 4 000 prisonniers sont toujours détenus, pour certains parfois depuis un an sans inculpation, dans des lieux hors de contrôle. Les violences infligées aux prisonniers, particulièrement s'ils ont été arrêtés récemment, se poursuivent. Une mission d'enquête menée par Amnesty international a mis au jour des éléments prouvant que des passages à tabac et autres violences – s'apparentant parfois à de la torture – ont été infligés dans 12 des 15 centres de détention où elle a pu s'entretenir en privé avec des prisonniers, lors de sa dernière visite. Parmi les méthodes de torture couramment signalées figurent la suspension dans des positions contorsionnées, les décharges électriques et les passages à tabac des heures durant à l'aide de divers objets, notamment des chaînes et des barres métalliques, des câbles électriques, des bâtons, des tuyaux en plastique, des tuyaux d'arrosage et des crosses de fusil. Amnesty international dispose d'informations détaillées sur au moins 20 cas de prisonniers morts en détention des suites de tortures infligées par les milices depuis fin août 2011. Les affrontements entre les milices armées qui utilisent à tort et à travers des mitrailleuses, des grenades propulsées par roquettes et d'autres armes dans des zones d'habitation continuent de faire des ravages en Libye, causant des victimes parmi des personnes qui se trouvent sur les lieux ou ne prennent pas part au conflit. La ville de Koufra, dans le sud du pays, qui abrite des membres de la minorité tabou, a été le théâtre de trois périodes de combats entre février et juin. Selon Amnesty international, ces affrontements, qui s'accompagnent toujours de détentions arbitraires et d'actes de torture imputables à toutes les parties, creusent davantage encore les lignes de fracture au niveau régional, tribal et ethnique. Par ailleurs, Amnesty international a vivement critiqué les autorités pour leur incapacité à résoudre la situation de communautés entières, qui ont été déplacées de force lors du conflit en 2011 et ne peuvent toujours pas rentrer dans leurs foyers, pillés et incendiés par les milices armées. Les habitants de la ville de Tawargha, à savoir 30 000 personnes, ne peuvent toujours pas rentrer chez eux. D'après le rapport d'Amnesty international, les ressortissants subsahariens en Libye – particulièrement les migrants sans papiers – sont soumis à des arrestations arbitraires et placés en détention à durée illimitée, victimes de passages à tabac s'apparentant parfois à de la torture et exploités par les milices armées. Ceux qui embarquent les étrangers ne font généralement pas de distinction entre les migrants et ceux qui fuient la guerre et les persécutions dans leur pays. La situation désespérée des migrants en Libye est exacerbée par le fait que les autorités ne combattent pas le racisme ni la xénophobie dont font l'objet les Libyens à la peau foncée et les Africains subsahariens. Les autorités libyennes continuent de minimiser l'ampleur et la gravité des violations des droits humains commises par les milices, les qualifiant d'actes isolés qu'il convient de considérer dans le contexte des violences subies sous le régime de Mouammar Kadhafi. Au mois de mai, les autorités de transition ont adopté une loi qui accorde l'immunité contre toute poursuite aux révolutionnaires pour les actes militaires et civils commis «dans le but d'assurer le succès de la Révolution du 17 février ou de la protéger». Lors d'une rencontre avec Amnesty international en juin, le procureur général libyen n'a pu donner aucune information concernant des révolutionnaires traduits en justice pour avoir torturé des détenus ou commis d'autres atteintes aux droits humains. Hasna Shaeeb, 31 ans, accusée d'être fidèle à Kadhafi, a été placée en détention pendant trois jours en octobre 2011. Elle a reçu des décharges électriques, puis a été frappée et fouettée jusqu'à perdre connaissance et on lui a même versé de l'urine dessus. Ses gardiens ont menacé de violer sa mère si elle ne passait pas aux «aveux». Hasna Shaeeb a été libérée sans inculpation trois jours plus tard et, depuis, a porté plainte via divers canaux. Le médecin légiste qui l'a examinée a rendu un rapport corroborant son témoignage. À la connaissance d'Amnesty international, rien n'a été fait pour donner suite à sa plainte. Au contraire, elle a reçu une série d'appels anonymes, lourds de menaces, ainsi qu'un appel en juin de la personne qui l'avait arrêtée. En mars, en plein milieu de la nuit, des assaillants non identifiés ont ouvert le feu sur son appartement.