Alors que la campagne de transformation de la tomate industrielle se poursuit à Annaba, El-Tarf, Guelma et Skikda, les 4 principales régions du pays productrices de ce produit agricole, les passions s'exacerbent dans le milieu des animateurs de cette filière agricole stratégique, appelée à satisfaire les besoins du marché national en concentré de tomates. Ces besoins sont estimés à 100 000 tonnes pour certains et 65. 000 pour d'autres. Accusations, suspicions et déclarations contradictoires caractérisent le comportement des uns et des autres tant au niveau des directions des services agricoles (DSA) des wilayas concernées que des agriculteurs, conserveurs et autres animateurs de la filière comme ceux de l'Association des conserveurs de tomates (Actom) et ceux du Conseil national des cultures industrielles, tous deux ayant siège à Annaba. On est loin de l'euphorie générée par des prévisions de récolte record de tomate fraîche et celles de concentré de tomates. Il était question d'atteindre les 1 200 quintaux à l'hectare sur des surfaces cultivées estimées à 17 000 ha dont 7 500 dans la seule wilaya de Skikda. Comme, de part et d'autres, l'on a affirmé que la récolte de 2 millions de tonnes de tomate fraîche et leur transformation en 50 000 tonnes de concentré de tomates devrait être largement dépassée. Or, au vu de ce qui se passe sur le terrain des opérations, la situation est tout autre. Elle est reflétée dans les positions contradictoires des responsables locaux des services agricoles, des agriculteurs et des transformateurs. Des 22 unités de conserverie existantes jusqu'à 2005, il n'en reste que 13 en activité. Deux d'entre elles ont repris du service plusieurs semaines après le début de la campagne. Pour les DSA comme pour les agriculteurs producteurs, les prévisions de récolte de tomate industrielle seront largement dépassées. On avance au titre d'argument le rendement estimé 500 q/ha et parfois même à 1 000 q/ha. Ce que contredisent plusieurs conserveurs. Ils sont unanimes à affirmer que la production de 30 000 tonnes de concentré de tomates sera très difficile à atteindre. «Les prévisions annoncées sont basées sur de faux chiffres, car les surfaces déclarées destinées à la culture de la tomate industrielle sont virtuelles. Il sont données par ceux qui sont intéressés par la subvention de 4 DA/kg accordée par le ministère. Ne parlez surtout pas des contrôles des services techniques des directions locales de l'agriculture. Ils ne se font pas, car les subdivisionnaires chargés de cette mission ne font pas de travail de terrain. Ils se limitent à retranscrire fidèlement ce que les agriculteurs avancent au titre de surfaces cultivées. Ce qui arrange tout le monde avec à la fin un chiffre de production nationale erroné. Grâce à ce subterfuge, un transformateur a perçu plus de 11 milliards de centimes alors que réellement il a transformé 500 tonnes de tomate fraîche uniquement, ont argumenté plusieurs conserveurs interrogés. Ils ont révélé que la différence en quantités censées avoir été transformées est amortie par un mélange du concentré produit localement avec le triple concentré de tomates importé en grande quantité. Leurs affirmations sont démenties par Cherif Maghmouli, le directeur des services agricoles de Annaba. Il a soutenu que «le dispositif mis en place par notre tutelle est appliqué au niveau locale par les DSA. La rigueur mise dans son exécution est telle que l'on ne peut pas procéder à une quelconque manipulation des chiffres à l'hectare. Nos subdivisionnaires sont constamment sur le terrain pour suivre de près la mise en terre des semis ou pour la récolte». Son avis est partagé par Messaoud Chebbah, un technicien au long cours dans la filière de la tomate industrielle, également président du Conseil national des cultures industrielles. «Nous atteindrons largement les 50 000 tonnes de concentré de tomates. La campagne 2012 qui s'achève s'annonce bonne avec à ce jour 2 millions de tonnes de tomate fraîche récoltées. On a avancé que pour percevoir la subvention de 4 DA/kg, des agriculteurs n'hésitaient pas à fournir des surfaces virtuelles. Mais jusqu'ici, aucune preuve n'est venue étayer pareille affirmation. C'est pourquoi, je préconise que le paiement des subventions se fasse au prorata de la production de concentré de tomates dûment contrôlée par les services du ministère de tutelle», a souligné Chebah Messaoud. Il a précisé que le Conseil qu'il préside se limite uniquement à la coordination et à la consultation entre animateurs de la filière. Et si certains conserveurs affirment que l'effacement de la dette bancaire décidée par le président de la République tarde à être appliqué, d'autres soutiennent que l'Etat a fait ce qu'il fallait en reprofilant leurs dettes bancaires. «C'est ce qui nous a permis de reprendre nos activités. Il reste néanmoins cette rumeur de surfaces déclarées comme ayant été cultivées, donc productives, alors qu'en réalité elles n'existent pas. Il est indispensable de faire la lumière sur ce dossier et le cas échéant sanctionner sévèrement les auteurs pour nous permettre de travailler dans la sérénité. Nous sommes aussi confrontés au problème d'indisponibilité de la main d'œuvre d'où les difficultés qu'éprouvent les collecteurs dans la collecte de la tomate fraîche», a affirmé Abdelhamid Boudiaf, un des plus importants conserveurs de la wilaya d'El-Tarf.