Hakkar ne leur offre pour tout cautère que l'image d'Epinal du «poète de nuit» qui les invite à la «rencontre des étoiles» ou à se réfugier dans l'«exil de la mémoire» où il répète à qui veut l'entendre «j'écris en blanc» pour relater l'odyssée des «épaves magiques» macérant dans un «silence douloureux» qui se souvient du «soleil d'avant» et de l'«épave de lumière» tout en étant convaincu que «le soleil des pauvres se lève à minuit» dans une «nuit rêvée» consacrée à décrypter le «mystère de l'ombre». Puis viennent les «nuits d'inquiétude» qui voient «Ras elmahna» dont la «mémoire en otage» ne trouve que le «silence» de «nulle part» pour ouvrir «la porte des signes» à une «réflexion horizontale» et en butte à un «croisement d'idées» d'où il choisira le «chemin» qui le mènera «de l'autre côté» du «rêve» que le porte-folio «Lumière» daté de 2001 illustrera par des lithographies sur papier d'Arches titrées «Khemissa», «Recueillement», «Printemps», «Agora», «L'attente», «Le temps», «Famille», «Arrivée» ; œuvres qui déclinent l'«espoir» qu'«il viendra» (il s'agit sûrement de l'éternel absent qu'on attend) «au seuil» et «à la source de Frenguel», Frenguel le village qui a vu naître notre artiste et qui clôt le somptueux catalogue accompagnant légitimement cette utile rétrospective que nous nous sommes fait un grand plaisir de couvrir. Un pavé, un beau livre d'art méticuleusement confectionné et aussi amoureusement arpégé qu'un tableau de Hakkar. Cette démarche, on ne peut surréaliste que nous venons d'emprunter pour couvrir cette rétrospective, nous a été inspirée par la succession des titres des œuvres aussi narratifs les uns que les autres mais aussi et surtout empreints d'un baroquisme d'une succulente poésie. Nous y avons puisé la matière et les ingrédients d'une sublime poétique de l'aléatoire dans la relation d'un événement de premier plan. Un événement qui ne finira pas de sitôt de nous révéler le discours merveilleux d'un aède surgit des versants abrupts de notre culture visuelle qu'une mise en lumière méritoire et méritée propulse, justement, sur les adrets des cimaises de la notoriété. Cette rétrospective retentit dans le paysage culturel algérien et nous incite à l'analyser en termes d'écriture déchirée, déchiquetée, fragmentée, urgente, une «écriture du désastre» pour citer M. Blanchot. Cette sorte de méta-graphie, nous rappelle le méta-récit décliné par le narrateur de Nedjma qui a tant intrigué les lecteurs de Kateb Yacine. Le méta-récit d'une saga, celle d'un artiste au vocabulaire stylistique métamorphisé d'où surgissent, tels des ancêtres, des silhouettes totémiques énigmatiques, symboles de la présence chaque jour renouvelée de notre permanence. Une permanence adossée au récit d'un peuple écrit dans une veine de l'indignation. On ne sort pas indemne de cette exposition par laquelle Lazhar Hakkar nous montre, à sa manière, qu'il y a une autre façon d'être «The artist». (Suite et fin)