Deux millions d'enfants souffrent de malnutrition, de maladies et de traumatismes en Syrie, victimes innocentes d'une guerre qui a déjà fait plus de 70 000 morts selon l'ONU. Hamza a tout juste six ans, l'âge d'aller à l'école et de jouer avec ses amis. Mais la guerre en a décidé autrement. Depuis plusieurs mois, il a pris les armes et combat chaque jour aux côtés de son père, un des chefs de l'Armée libre à Hama. «Bachar el-Assad a détruit notre passé et notre futur avec ses obus. On doit tous se battre pour espérer le faire tomber», se justifie le père. Aucune émotion ne transparaît sur le visage de l'enfant. Hamza a le regard froid et détaché de ceux qui ont grandi trop vite, ceux qui ont vu trop d'horreurs pour pouvoir les accepter. Selon un rapport publié par l'ONG Save the Children, les enfants syriens et les femmes seraient «les plus grandes victimes» du conflit qui déchire leur pays, le traumatisme physiologique s'ajoutant à la violence physique. Après presque deux ans de conflit, peu de bâtiments restent encore debout. Une école sur cinq a été détruite, les autres sont devenues des abris pour les réfugiés ou des bases militaires. Des enfants sont aussi confrontés à une famine récurrente, l'armée cible les boulangeries dans les zones contrôlées par l'opposition et contraint les habitants à fuir au gré des approvisionnements d'aide humanitaire. Les soldats gouvernementaux, comme les rebelles, sont accusés de prendre pour cible les civils et de commettre des crimes de guerre. La peur a gagné tous les esprits. Selon certains réfugiés, les violences de l'armée du régime viseraient plus particulièrement les femmes et les enfants. Ahmed a 14 ans, il a passé plusieurs semaines en prison à Homs. Plusieurs fois par jour, les soldats le torturaient afin qu'il les renseigne sur ses frères, membres de l'armée libre. «Ils m'ont brûlé les bras avec des cigarettes, ils me plongeaient la tête dans des seaux d'eau glacée jusqu'à ce que je m'étouffe. Ils rigolaient en disant qu'ils allaient faire de moi un homme». Depuis, Ahmed a quitté la Syrie avec sa famille, il a rejoint le Liban. Mais il garde en tête toutes les horreurs qu'il a vues, des images qui l'empêchent de dormir, de vivre normalement. Selon une étude de l'université Bahcesehir en Turquie, réalisée auprès de réfugiés syriens, un enfant sur trois aurait été frappé ou la cible de tirs. Deux tiers des enfants interrogés disent avoir été séparés de membres de leur famille en raison du conflit et un tiers ont été confrontés à la mort d'un ou plusieurs proches. Autre danger pour ces enfants, le viol. «Dans la plupart des conflits, plus de la moitié des victimes de viol sont des enfants. Je suis certain que c'est également le cas dans un pays traditionaliste comme la Syrie», dénonce Justin Forsyth, le directeur de Save the Children. Les histoires les plus atroces circulent au sein de la population. La peur de violences sexuelles pousse de nombreuses femmes et jeunes filles à quitter la Syrie. International Rescue Commitee a interrogé plusieurs centaines de femmes dans les camps de réfugiés syriens: «Beaucoup nous ont raconté avoir été agressées en public ou chez elles, en général par des hommes armés. Ces viols, parfois collectifs, se déroulent souvent sous les yeux des membres de la famille». Pour protéger leurs filles, parfois très jeunes, les familles organisent des mariages arrangés. Noora a une fille de 17 ans. «Dès que j'entendais du bruit, j'avais peur que ce soit des soldats qui me la prendraient et la violeraient. On l'a mariée à un cousin, il faut un homme pour prendre soin d'elle et éloigner les agresseurs», raconte cette mère, qui habite dans la région de Homs. En dépit de cette situation catastrophique, l'Unicef risque, faute de soutien financier de la communauté internationale, d'interrompre ses «opérations visant à sauver des vies en Syrie». «Fin mars, nous ne serons plus en mesure de répondre aux besoins de base des enfants, tels que l'accès sanitaire, les campagnes de vaccination contre la polio et la rougeole, les interventions sur les nouveaux nés...», s'alarme l'Unicef. À ce jour, seuls 20 % sur les 195 millions de dollars d'appel de fonds ont été récoltés.