Il faut bien le dire, le débat est un phénomène étranger à notre société. A notre société ou à notre classe politique ? Du fait qu'il nous est étranger, le compromis nous est également étranger. Comment construire un compromis sans mener le débat jusqu'à son épuisement ? Jusqu'à l'épuisement des argumentations contradictoires. Si le débat est impossible, chacun produit une vision éradicatrice de l'autre. Intellectuellement éradicatrice d'abord, puis physiquement éradicatrice. Comment s'entendre si nous nous ignorons ? Pourquoi n'y a-t-il jamais eu un débat de haute importance sur des thèmes particuliers et pourquoi n'a-t-il jamais réussi à élire domicile aussi bien dans l'enceinte parlementaire que dans le tube cathodique, au lieu qu'il soit contraint à trouver naturellement résidence dans la rue, hors de tout cadre organisé ? Il est souvent répété par les pouvoirs publics qu'il faut privilégier le dialogue et non commencer à substituer les émeutes à celui-ci. Cela est bien dit, mais c'est la logique de la répression qui a toujours été imposée face à la logique du dialogue, car les pouvoirs publics ont toujours soupçonné la main de l'étranger. Il est souvent répété que le débat fait partie de nos traditions et que le compromis est un instrument de gestion. Or, il serait difficile de se rappeler si vraiment il y a eu un jour un débat qui a été mené jusqu'à son terme. On se plaint alors que celui-ci se réfugie dans la rue et que peuvent s'en saisir ceux qui le transforment en crises et construisent ensuite leur stratégie sur le meilleur usage à en faire et ceux qui se donnent pour mission d'assombrir les perspectives d'avenir par la fourniture de lectures orientées vers la réunion des conditions devant permettre la permanence des émeutes. C'est en temps de sérénité qu'il faudrait débattre et placer le débat sur le front de la prévention.