Des dépassements et des opérations de fraude dans des bureaux de vote auraient été constatés lors du scrutin du 17 avril dans la course vers le palais d'El-Mouradia. En effet, le candidat Ali Benflis n'a pas attendu la fin de l'opération du dépouillement pour dénoncer «la fraude» et «l'entreprise frauduleuse». Par conséquent, il dira qu'il ne reconnaîtra pas les résultats officiels qui seront annoncés. Intervenant à un point de presse à partir du siège de sa direction de campagne, le rival d'Abdelaziz Bouteflika a fortement condamné, jeudi soir, le recours à la fraude et promis de réagir à cette situation à travers «des moyens politiques pacifiques». Il s'est adressé à la population avant même que le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales n'annonce les résultats officiels sur le taux de participation. «J'annonce à toutes mes concitoyennes et à tous mes concitoyens que je ne saurais sous aucune forme, et en aucune circonstance, accepter les résultats qui découleraient de cette entreprise frauduleuse», a affirmé Benflis, en réaction, selon lui, à des informations préliminaires qui lui ont été parvenues. Il s'agit, enchaîne-t-il, d'informations établissant l'existence «d'une opération de fraude à grande échelle, qui s'est amplifiée au fur et à mesure de l'approche de la clôture des opérations de vote». Le candidat à la présidentielle pour la seconde fois après celle de 2004 a assuré qu'il ne resterait pas sans réagir et qu'il s'opposerait «de toute (son) énergie à ce coup de force électoral en usant de tous les moyens politiques pacifiques ainsi que de toutes les voies légales» à sa disposition pour que «prévale le choix souverain du peuple», a-t-il averti dans une première déclaration où il a, après avoir rappelé qu'il a prôné le changement ordonné et pacifique, lancé un appel à l'ensemble des forces politiques et sociales du pays afin «d'engager des larges concertations, ouvertes, pour arriver collectivement à une voie de résistance politique et pacifique qui pourrait faire sortir l'Algérie de son dangereux marasme». Et de réitérer sa détermination à demeurer sur la scène politique en tant que militant pour la démocratie. «Je militerai dans le but de bâtir un Etat démocratique et pour consacrer le projet de renouveau national qui porte les aspirations d'une grande partie du peuple», a soutenu M. Benflis. A noter que cette première sortie médiatique du rival de Bouteflika a vite fait réagir, du moins, Tayeb Belaïz qui a tenu, lors de l'annonce des chiffres officiels du taux de participation, à rappeler à l'ordre et aux lois de la République, tout en précisant que le ministère de l'Intérieur est seul habilité à annoncer les taux de participation et les résultats préliminaires, et que le Conseil constitutionnel est la seule et unique compétence habilités à annoncer les résultats définitifs du scrutin et du taux de participation final. Des cas concrets de fraude Outre les accusations d'Ali Benflis qui crie à la fraude, d'autres voix se sont élevées dans plusieurs wilayas dévoilant à la presse des irrégularités qui auraient été observées, notamment à l'est et au centre du pays. Rapporté par le journal électronique Algeriepatriotique, le cas le plus flagrant concerne le wali de Tébessa qui aurait ordonné aux chefs de centre de bourrer les urnes à partir de midi, notamment dans les villages reculés de la wilaya, des communes de Lemridj, Aïn D'heb et Mekeddem. L'un des chefs de centre aurait, en effet, dénoncé cette fraude sur instruction tout en indiquant que le wali leur aurait signifié d'entamer le bourrage des urnes à travers les grands bourgs à partir de 18h. Par ailleurs, ce journal ajoute que la majorité des urnes des bureaux de vote n'étaient pas scellés. A Mila, des sources concordantes indiquent qu'il a été constaté que «les bulletins frappés à l'effigie du candidat Ali Benflis étaient intentionnellement collés deux par deux de telle sorte qu'ils seront invalidés lors du dépouillement». A Telaghma, les électeurs auraient été sommés par des responsables locaux de voter Bouteflika. A Skikda, le directeur de campagne de Bouteflika continuait à mener campagne en plein centre des Frères-Zitout, dans la commune de Larbi-Ben-M'hidi. Algeriepatriotique a également cité des cas de fraude au centre du pays, dont la wilaya de Blida, où des portraits du président-candidat étaient affichés dans certains bureaux de vote en violation de la loi en vigueur. «Plus grave, a-t-on rapporté dans la même circonscription, certains surveillants n'ont pas reçu leur accréditation pour réceptionner les procès-verbaux de dépouillement», souligne la même source. Dans la wilaya de M'sila, dans les communes de Aïn H'djel et de Khetouti Sed-El-Djir, les hommes votent à la place de leur épouse sans procuration. Au village Ouled-Ahmed, commune de Magra, le chef de daïra a sommé les électeurs de voter pour Bouteflika. Toujours dans cette région de l'Est, rapportée par le journal électronique, à Khenchela, des observateurs ont signalé un bourrage massif des urnes, avec pas moins de 200 bulletins truqués dans la commune de Tamza. A Batna, le chef de daïra de Tazoult a été aperçu en train de placer lui-même des portraits de Bouteflika dans les bureaux de vote, en violation de toute éthique et de la loi. Même scène signalée à Draâ Ben Khedda, dans la wilaya de Tizi Ouzou, où le président de l'APC de cette commune est entré dans tous les bureaux de vote pour crier face aux électeurs «Vive Bouteflika !», une manière de leur faire pression, rapporte encore Algeriepatriotique. Et d'enchaîner par un autre dépassement relevé, parmi d'autres, à Alger où le représentant du candidat Benflis au centre Emir-Abdelkader, à la Casbah, a été victime de coups et blessures volontaires, selon une source proche de la direction de campagne de Benflis. Au Ruisseau, dans la commune de Kouba, les électeurs n'auraient pas trouvé de bulletins du candidat Ali Benflis. Même cas signalé à Khenchela où les bulletins de vote de Benflis auraient été dissimulés. Dans la commune de Zaâfran, wilaya de Djelfa, des bureaux sont restés toute la journée sans surveillants, ont rapporté des témoins à la même source.