La grogne se généralise dans les régions frontalières ouest : grossistes, détaillants, consommateurs crient leur détresse à la suite de l'application de l'arrêté relatif à la nouvelle nomenclature des marchandises soumises à l'autorisation de circuler dans le territoire douanier (passavant), publié dans le Journal officiel n°35 du 17 juin 2014. Les produits de large consommation qui figurent sur cette liste vont des céréales à l'oignon en passant par l'eau minérale et l'eau gazeuse sucrée en bouteille, le lait et ses dérivés, les dattes, l'huile de soja, les biscuits, les pâtes, la farine, ou encore les jus de fruits et le tabac. La colére des consommateurs frontaliers monte d'un cran à la suite de l'application effective de cet arrêté qui oblige les commerçants à déclarer toute marchandise qu'ils introduisent dans la zone terrestre du rayon douanier, au nivau d'une brigade mixte dont le siège est situé sur la RN35 à quelqie 35 km en amont de Maghnia. Aussitôt l'arrêté appliqué, le consommateur s'est vu supporter une hausse substantielle des prix des produits de large consommation qui est à l'origine de ce dépit. Cette mesure, qui vise à parer au passage clandestin de produits nationaux de l'autre côté de la frontiére, est qualiiée par le consommateur de la région de pénalisante surtout pour l'honnête citoyen que pour le contrebandier. «Avec cette mesure, appliquée telle quelle, le législateur s'est trompé de cible. Celle-ci saigne à blanc le consommateur, alors que les produits continuent à traverser la frontiére par quantités faramineuses», s'indigne ce citoyen de Maghnia lequel illustre la situation ainsi : «En plus des mesures extrêmement répressives qui exposent le contrebandier à une pénalité de 10 fois la valeur de la marchandise et des moyens de son transport et à une condamnation judiciaire, celle draconienne relative au carburant, la tranchée creusée le long de la frontiére et les grands moyens humains et matériels mis en branle, n'ont pas réussi à atteindre l'objectif désiré. La pénurie du carburant persiste et la marchandise continue de traverser la frontière dans les deux sens. Les 3,8 tonnes de kif saisis vendredi dernier en plein centre ville de Maghnia et à Marsat Ben M'hidi, ou encore les marchandises nationales qui garnissent par tonnes les étals de Ben Drar et de Souk El Fellah de Oujda, doivent avoir traverser la frontière quelque part. Le problème est donc ailleurs.» En attendant des mesures plus réfléchies et moins contraignantes pour les frontaliers, le consommateur continue à payer les produits plus chers qu'ailleurs. L'augmentation des prix a atteint subitement 30%, voire bien plus dans certaines régions. Tous les produits soumis au passavant ont connu une augmentation proportionnelle à la position de la localité par rapport à la frontière, et également à la densité de la population. Certains commerçants profitent de la situation et font dans l'excès avec des prix qui dépassent l'entendement. Le couscous à 120 DA le kilo, la bouteille de Coca à 130 DA, la bouteille d'eau à 40 DA, ou encore le fromage rouge jusqu'à 1500 DA le kg, sont à titre illustratif, les prix que paie en moyenne le consommateur de la région de Maghnia chez ces commerçants. A Marsat Ben M'hidi, la situation est encore plus préoccupante. Sa situation frontalière ultime aggravée par la densité de la popilation ponctuelle que la période estivale a engendrée, fait que les produits y sont excessivement chers, à tel point que la bouteille d'eau a atteint les 100 DA et le pain traditionnel 150 DA l'unité; tandis que chez le restaurateur, les prix sont encore accentués tel celui du poulet rôti à 1200 DA. Les commerçants de Marsat Ben M'hidi sont les premiers à avoir entamé un mouvement de grève pour protester contre l'instauration du passavant, suivis par ceux de Maghnia où celle-ci trés hachurée ne semble pas être suivie par tous les commerçants. «Nous aurions souhaité que tous les commerçants baissent le rideau pour marquer notre désapprobation», dira ce commerçant gréviste. Quant à ce président d'association, il est plus radical : «Pour alerter les pouvoirs publics sur cette mesure qui pénalise le citoyen de la région, j'ai proposé à toutes les associations une marche commune sur le siège où sont visées les marchandises qui est située à 35 km de Maghnia.» Si cette grogne est compréhensive chez le consommateur qu'un interlocuteur a qualifié de «dindon de la farce», elle est palpable chez le détaillant aussi. L'augmentation des prix a engendré une baisse d'activité et une réduction de la marge bénéficiaire. «Avant je faisais un bénéfice de 40 DA sur les 6 bouteilles d'eau que je payais à 130 DA. Actuellement je les paye 190 DA et je dois limiter au maximum la marge pour attirer le client», déclare un épicier. Pour les grossistes, le problème réside dans le refus des fournisseurs de leur établir les factures qu'ils doivent présenter pour se faire délivrer le passavant, ce qui les contraint à aller plus loin pour chercher leurs marchandises, d'où des frais supplémentaires, «Afin que le passavant puisse contribuer efficacement dans la lutte contre la contrebande sans pour autant sanctionner injustement le citoyen frontalier, il serait plus raisonnable que le visa des marchandises soit exigé entre les grandes agglomérations et la frontière», estimant unanimement grossistes, détaillants, consommateurs et société civile des dairas frontalières touchées par cette mesure (Maghnia, Ghazaouet, Nedroma, Fellaoucene, Sabra, Beni Boussaid et Marsat Ben M'hidi), lesquels semblent s'accorder à continuer de denoncer cette mesure que certains n'hésitent pas à qualifier d'embargo.