Confronté à des attentats djihadistes meurtriers sans précédent, le pouvoir égyptien veut promulguer une nouvelle loi antiterroriste qui, selon ses détracteurs, consacre l'impunité de la police, censure la presse et porte atteinte aux libertés. Experts et défenseurs des droits de l'Homme dénoncent un texte répressif qui devrait être promulgué dans la semaine par le chef de l'Etat Abdel Fattah al-Sissi, alors que les autorités répriment implacablement toute opposition depuis deux ans et la destitution du président islamiste Mohamed Morsi par M. Sissi, à l'époque chef de l'armée. Les attentats djihadistes contre les forces de l'ordre se sont multipliés depuis l'éviction de M. Morsi. «C'est une catastrophe de voir l'Etat promulguer une telle loi dans un climat chargé de revanche», déplore Gamal Eid, qui dirige l'ONG égyptienne Arabic Network for Human Rights Information. Au lendemain de l'assassinat le 29 juin du procureur général Hicham Barakat dans un attentat spectaculaire, toujours non revendiqué, M. Sissi avait promis une législation plus dure «pour lutter contre le terrorisme». Et alors que des combattants du groupe Etat islamique (EI) lançaient le 1er juillet une série d'attaques sans précédent contre l'armée dans le nord du Sinaï, faisant des dizaines de morts, le gouvernement, lui, approuvait une nouvelle loi antiterroriste. L'article 33 du projet de loi préconise une peine de deux ans de prison au minimum pour publication «de fausses informations sur des attaques terroristes qui contredisent les communiqués officiels». Confiscation des libertés publiques Le ministre de la Justice Ahmed al-Zind a expliqué que cet article était notamment motivé par la couverture médiatique des attaques jihadistes de la semaine dernière dans le Sinaï. Le porte-parole de l'armée avait fait état de 21 soldats tués et plus d'une centaine de jihadistes abattus lors des combats, mais les médias avaient publié des bilans bien plus lourds, citant des responsables de la sécurité. «Le gouvernement a le devoir de protéger les citoyens des fausses informations», a précisé M. Zind, soulignant qu'il ne fallait pas y voir «une restriction de la liberté de la presse». Le syndicat des journalistes a aussitôt dénoncé la «censure» du pouvoir, jugeant que «la lutte contre le terrorisme ne se fait pas avec la confiscation des libertés publiques».