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Au cœur des négociations franco-algériennes
Publié dans La Nouvelle République le 06 - 07 - 2015

Les conférences d'Evian I et II et la conférence de Lugrin ont marqué le long périple des négociations entre les représentants du FLN et la France. Ces négociations franco-algériennes qui ont mené à l'indépendance de l'Algérie constituent une école pratique de la négociation. Elles étaient extrêmement difficiles. Les deux parties ont dû affronter la partie adverse mais aussi des clans internes. Ceux qui ont pu analyser d'autres négociations peuvent constater la particularité des accords d'Evian. Ces accords sont le résultat d'un rapport de forces. Si la France n'avait pas été contrainte à cause de la réalité du terrain à négocier avec « une bande de Fellagas » comme elle les appelait, elle ne l'aurait pas fait. Elle souffrait également de son image sur la scène internationale entachée à cause atrocités commises. Il est nécessaire de rappeler cette évidence. Les négociations reflètent une situation de terrain et non pas le contraire. Le traitement des détails nécessite un grand discernement, car ils constitueront un élément capital dans le sort d'un pays et de deux peuples pour des dizaines d'années.
Le résultat principal de ces négociations selon mon avis n'a pas attiré l'attention de nombreux analystes. Le non-déclenchement d'une guerre civile qui planait inévitablement dans l'horizon avec le durcissement de l'OAS et la volonté ardente d'une partie des Algériens de se venger de l'oppression dont ils étaient victimes et des exactions de colons. Le sang coulé par les attentats de l'OAS constituait un ingrédient de taille. Les évènements d'Oran le 05 juillet 1962, bien qu'ils soient controversés, démontrent le climat régnant à cette époque. C'est la guerre civile qui a connu ses débuts à Alger, mais évitée par l'exode massif des colons et les pressions du FLN sur les Algériens agités. Nous allons analyser ci-dessous les plus importantes divergences entre la partie algérienne et la partie française, en montrant le compromis ou la solution atteinte. 1- S'agissant de ce point, le général De Gaulle en personne qui a donné une attention particulière à cette question, a demandé l'impossible. La tenue des négociations dans un château à Paris, proposition dont il était évident que la délégation algérienne allait la refuser. Cette demande avait pour but d'obtenir à la fin la tenue des négociations à l'intérieur du sol français. Cette technique est connue dans la méthodologie des négociations : réclamer le plus afin d'obtenir ce qu'on veut, en la matière la tenue des négociations à l'intérieur du sol français. Il y avait aussi un autre but à cette demande que les membres de la délégation française ont dévoilé ultérieurement : impressionner les algériens par le protocole et la qualité des personnalités qu'ils vont rencontrer et partant atténuer leur durcissement. A l'autre part, la délégation algérienne a insisté sur l'accompagnement sécuritaire suisse. Elle a également réclamé le retour chaque soir en Suisse pour passer la nuit et tenir librement des conférences de presse. 2- Dès Evian 1, la partie algérienne voulait montrer qu'elle n'était pas pressée dans ces négociations. Mais en effet, elle était plus pressée que la délégation française malgré le spectre de guerre civile qui planait sur la métropole. La délégation algérienne était pressée à cause de 2 principales raisons : 1- Le GPRA voulait outrepasser les dissensions et prendre le pas sur l'EMG en obtenant l'indépendance. 2- l'état terrible dans lequel le peuple algérien subsiste. Les leaders algériens craignaient la méthode d'armistice réclamé par les français, car ils savaient combien les masses et les combattants souffraient. Ce pas peut constituer une manœuvre que les autorités françaises utiliseront pour décourager la population. En cas d'échec des négociations, il serait difficile de réveiller le peuple en vue de continuer le combat. De plus, la continuité des combats et la mort de soldats français augmenteront la pression exercée par leurs familles, outre à l'état de clivage intense en France. C'était un moyen de pression sur De Gaulle et son régime afin d'accélérer la résolution et fléchir leurs positions dans les questions en litige. Suivant ce que Boumendjel a raconté à O.Long, le gouvernement algérien préférerait à l'époque des négociations simultanées : militaires qui aboutiront au cessez-le-feu et politiques, qui seront signées en même temps. Lors de la discussion de O.Long avec un responsable algérien à propos des attaques sur le sol français, ce dernier lui a expliqué que ces attaques sont nécessaires, quoique maîtrisées, pour maintenir sous contrôle les algériens vivant en France enragés du fait des exactions des ultras et de la répression de la police française. Après la signature des accords, l'ALN s'est montrée une organisation disciplinée qui n'a pas fait défaut aux engagements du GPRA. Le cessez-le-feu a été respecté entièrement. Les évènements qui sont survenus à Oran le 05 juillet 1962, avaient des raisons locales qui ne relèvent pas de la discipline. 3- les Algériens ont toujours voulu avancer hâtivement vers l'indépendance pour mettre tous les pays voisins devant le fait accompli à propos du Sahara. Les pressions étaient intenses et le pouvoir algérien n'avaient pas les moyens ni militaires ni économiques pour faire face aux pressions tunisiennes de l'allié Bourguiba, et marocaines, et même les déclarations des leaders des pays du Sahel à propos de l'association sur les richesses du Sahara, outres aux pressions françaises évidemment. Ce point était la cause principale de la suspension de la conférence d'Evian 1 par les français, qui ont affirmé clairement leurs positions : le Sahara est français. Malgré le durcissement français sur cette question, les perturbations des français d'Algérie et de l'armée française (le putsch de 1961), ont poussé De Gaulle et Michel Debré à les mettre devant le fait accompli avec l'indépendance de l'Algérie. Ainsi, il y a eu une ouverture sur ce point. Concordance des intérêts des autorités algériennes et françaises. 4- La non-exécution de certaines clauses du texte des accords par le pouvoir algérien et le départ anticipé de l'armée française avant la fin de la période de location de la base de Mers El Kébir reste assez ambigüe et nécessite une étude approfondie en exploitant les archives algériennes et françaises de l'époque. Même les mémoires de Chadli, responsable de la seconde Région militaire (l'Oranais) à cette époque, n'ont pas dévoilé beaucoup de détails sur cette question. Certainement, il y a eu plus de discussions secrètes. Rappelons qu'il n'y avait pas des militaires dans la délégation algérienne durant la conférence d'Evian 2, car l'état-major (Boumediene) a refusé d'envoyer des représentants à cause des ses différends avec le Gouvernement Provisoire. Par la suite la hiérarchie militaire Boumediene, Mendjli, et Kaid, a voté contre les accords d'Evian à cause des clauses relatives aux bases militaires. Mais beaucoup affirment que l'action de Boumediene et ses compagnons était destinée surtout à faire enregistrer une position. Les trois étaient sûrs que les accords seront adoptés. Ils ont fait ce choix pour respecter leurs devoirs à l'égard de leurs subordonnés dans l'armée des frontières et le commandement à l'intérieur des Wilayas. Si leurs voix pouvaient changer le résultat du vote et mener au rejet des accords, ils auraient accordé leurs voix à l'approbation. D'ailleurs Ben Khada avait des hésitations à propos de la reprise des négociations craignant que l'Etat-Major refusera les résultats ; quand ces craintes ont été portées à la connaissance de Boumedienne, ce dernier a envoyé à Ben Khadda : ‘nous ne sommes pas en mesure de se comporter en adolescents. Certainement, nous critiquerons les accords qui seront conclus, mais nous n'allons pas les refuser. 5- dans l'enquête publiée par le Nouvel Observateur en 1997, l'existence de clauses secrètes dans les accords a été évoquée, information confirmée par plusieurs parties. Cette partie secrète a été renouvelée à deux reprises, 1967 et 1972, sous prétexte d'essais pour la protection contre des attaques chimiques. Cette enquête affirme que la partie algérienne ne connaissait les tenants et les aboutissants des essais à la base de Colomb-Béchar. Elle recevait des fausses informations. La partie française craignait que les algériens décident d'arrêter les essais s'ils comprennent les vrais faits techniques, le développement d'armes chimiques. 6- Des affrontements à propos de ce sujet ont causé l'ajournement de la Conférence d'Evian 1 prévu pour le 07 avril 1961. Luis Joxe a indiqué dans une conférence de presse à Oran la possibilité de faire participer le MNA aux négociations. 7-Les évènements d'Oran, la mort d'un grand nombre de pieds noirs ont marqué la journée du 05 juillet. Selon certains survivants, l'affaire était planifiée par les services de Boussouf (MALG) en vue de terroriser les colons et obliger le plus grand nombre d'eux à fuir. Mais la réalité est que Boussouf n'était plus à la tête du MALG puisque ses hommes ont rallié l'EMG de Boumediene. Il n'y a pas de preuves sur cette hypothèse même si les autorités algériennes ne voyaient pas d'un bon œil qu'une partie de la population reste comme classe privilégiée par ses ressources, face à des algériens démunis. Après le grand exode, le gouvernement algérien a utilisé la notion des biens vacants en vue de restituer aux algériens les biens détenus par les européens. (Décret N°63-88 du 18 mars 1963 portant réglementation des biens vacants). Les responsables algériens ont considéré cet exode comme une charge dégagée du dos de l'Etat naissant en Algérie. Ils ne voulaient pas voir une situation de 2 classes/2 communautés, tel l'exemple contemporain de régime d'Apartheid en Afrique du sud où la minorité Européenne riche gouvernait la majorité africaine pauvre. Dans ces négociations depuis leurs débuts, en mai 1961 avec la conférence d'Evian 1, la partie algérienne s'est caractérisée par l'incertitude des positions prises, puisque le GPRA avec ces deux parties antagonistes, savait d'ores et déjà qu'il ne représentait plus la partie forte devant la force émergente, l'Etat Major Général. Traducteur et historien

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