L'événement de ce samedi 12 mars a eu pour théâtre la salle «cinéma Djamel» du centre de Chlef. Les amoureux de belles lettres et les adeptes du café littéraire de la vallée du Cheliff étaient nombreux cette fois. C'est l'invité du café littéraire qui était derrière cette assistance importante. En effet, il s'agissait du passage tant attendu du romancier, écrivain et chercheur Amine Zaoui. La séance commence par un morceau de musique Andalouse exécuté au oûd par le mélomane Hrach Baghdadi. Après des paroles de bienvenue adressées par le président du café littéraire M. Mohammed Boudia, à l'invité Dr. Amine Zaoui, M. Saadoune Bouabdellah modérateur, présente le programme. Sous les applaudissements d'une salle bondée, les poètes d'expression arabe se succèdent sur la scène pour faire des lectures poétiques à l'instar de Allali, Boudjaltia, Ghazali, Nekaf, M. Mokhtari Mlle Hamiche, Mlle Benahmed et Dr Medjdoub Ali qui a déclamé un poème en français intitulé «Le bal des rimes». Ensuite, le Dr Amine Zaoui va prendre la parole pour apporter un éclairage sur la genèse de ses œuvres et faire l'état des lieux de la littérature en Algérie. Pour lui, la préservation de l'unité du pays passe inéluctablement par le développement de la culture. Il préconise pour ce faire de dépasser le jacobinisme linguistique. «Les artistes, les écrivains et les journalistes doivent engager un véritable dialogue entre les différents courants. Nul ne doit prétendre apporter à lui seul la lumière. Tout le monde est concerné », précisera-t-il. M. Zaoui pense que c'est à partir de l'écriture que nous arriverons à résoudre le problème linguistique. Il nous confie sa grande tristesse suite au décès d'un être qui lui était cher, en l'occurrence M. Ait Salem Kaddour, responsable de la bibliothèque de Tlemcen. Ce dernier lui a permis de dévorer tous les livres contenus dans cette structure. Cette passion a commencé depuis sa plus tendre enfance. Sa vie n'a été que lecture, à tel point qu'il ne peut respirer sans cela. Les chambres, le couloir et même la salle de bain sont inondés de livres. «Un peuple qui lit est un peuple qui ne connaît pas la faim et la soumission», clame-t-il. Le conférencier nous apprend que sa première lecture est celle de l'ouvrage «la chèvre de M. Seguin» écrit par Alphonse Daudet, prix de la première place de la cinquième année primaire. Sa mère, chanteuse animait des fêtes et lui récitait des contes le soir. Il trouvait qu'elle dépassait Daudet. A présent, confie-t-il, lorsqu'il écrit, il a l'impression que c'est la maman qui lui dicte son texte en l'accompagnant d'une musique. Au collège, il écrit un poème pour une revue dirigée par Malek Hadad. Il reçoit une réponse qui va être exposée et il va recevoir le nom de «poète du collège». Il soutient qu'il faut lire trois livres au moins pour pouvoir en écrire. Celui qui ne suit pas cette règle ne peut prétendre devenir un grand auteur. En maths, il a eu des professeurs qui croyaient en la créativité, et la lecture. Cette génération avait un rêve. Actuellement, on a perdu ce rêve, un capital incommensurable. Les jeunes n'ont plus cette possibilité. «Tu lis ou non c'est la même chose». C'est un suicide collectif, poursuit-il. L'Algérie doit avoir le rêve de la diversité. Il va citer ensuite les titres de ses romans. En français, les principaux sont «Le sommeil du mimosa», «La Razia», «Les gens du parfum», «La chambre de l'impure», «Le dernier juif de Tamentit» et en arabe, «Le 8e ciel». Ce dernier connaît une mésaventure. Des barbus ont acheté tous les livres pour les brûler devant une librairie. Ils ont expliqué que Le 8e ciel est incompatible avec la religion. Amine Zaoui explique que l'ouvrage raconte une rencontre entre copains du service national qui affabulent sur des aventures de leur vie, sans faire allusion d'aucune manière à la religion. Ainsi tout ce qui est lu dans notre pays est rapporté au livre sacré ce qui entraîne des malentendus. Concernant les plumes qui montent, il citera Miloud Ibrir et pense que s'il continue sur cette trajectoire, il aura un avenir radieux. Il ajoutera qu'il ne faut pas prendre ces jeunes écrivains d'une manière paternaliste mais développer une vraie stratégie de commercialisation de ces œuvres. Parlant de l'engouement pour le salon du livre, il ne trouve pas que le nombre de lecteurs ait augmenté. Il faudrait des salons dans toutes wilayas. Il s'aperçoit que chaque ville visitée en dehors des grands centres urbains montre que du temps a été perdu pour atteindre le lectorat en ces endroits. Il veut pour preuve la totalité de ses livres achetés pendant la vente dédicace. Concernant la langue arabe, il pense qu'elle est très riche mais le français est très présent dans le champ culturel. C'est une langue d'ouverture vers le monde. Nous avons de la chance de posséder une langue qui peut faire bouger la chose culturelle en Algérie. Les Perses maîtrisent la langue arabe car ils ont peur de l'erreur. Mr Zaoui était accompagné de M. Radjedal Riad, ancien directeur de El Djazairia TV : «J'adore ses messages percutants. Il dit les choses telles qu'il les pense. Les questions ont été au niveau de l'événement. Les intervenants ont fait part de l'ostracisme dont sont victimes les écrivains», dira M. Tsabet. Abdershmane, éditeur, membre de la délégation trouve que la conférence a été un grand moment de culture et que M. Zaoui a bien répondu à des questions très pertinentes.