Un hommage émouvant a été rendu dimanche à l'actrice Chafia Boudraâ par le Théâtre régional Kateb Yacine de Tizi Ouzou. Modeste et élégante malgré l'âge, cette grande dame qui a fait le bonheur du cinéma algérien grâce à son professionnalisme et son dévouement n'a pu retenir ses larmes face à une assistance qui s'est inclinée devant elle en reconnaissance pour tout ce qu'elle a donné à la culture algérienne. «Aujourd'hui j'ai rajeuni de 20 ans, je suis très chanceuse d'avoir eu droit à une telle distinction. Je suis ravie et honorée d'être parmi vous sur cette terre qui a enfanté des femmes et des hommes qui se sont sacrifiés pour l'indépendance de l'Algérie», a-t-elle souligné non sans émotion. En dépit de sa maladie, Lla Aïni, comme aiment à l'appeler les citoyens en référence à son rôle dans le film «L'incendie» de Mustapha Badie, a tenu à être présente à Tizi Ouzou parmi ses amis artistes, son public et les autorités locales à leur tête le wali présents à cet hommage. De haut de ses 86 ans, Chafia Boudraâ racontait avec émotion ses souvenirs du 8 mai 1945, des massacres et des atrocités que l'armée française avait commis. «Ce matin le wali de Tizi Ouzou m'a donné la gerbe de fleurs que j'ai déposé au niveau du cimetière des martyrs de M'douha à leur mémoire (chouhada des massacres du 8 mai 1945). Il n'y a pas plus grand cadeau que vous pouvez me faire, je suis émue», a-t-elle déclaré d'une voix brisée par l'émotion. A l'ouverture de la manifestation, la directrice de la culture, Nabila Goumeziane, a qualifié Chafia Boudraâ de «mère de tous les Algériens, d'une comédienne infatigable aux interprétations majestueuses, connue pour son amour pour sa patrie et sa contribution dans la transmission de l'histoire et de la culture algérienne». Le wali de Tizi Ouzou a indiqué, pour sa part, que «tous les hommages qu'on pourrait rendre à cette femme, une géante du cinéma, ne peuvent refléter sa grandeur ni être à la hauteur de sa personne». Ses confrères et consœurs comédiens tels Amel Himer, Mohammed Adjaïmi, Hassan Ben Zirari et Meziane Yala se sont accordés à dire que Chafia Boudraâ «est un symbole de professionnalisme et de la maîtrise dans l'interprétation de ses rôles». «A travers ses rôles, Chafia Boudraâ a donné la vraie image de la femme algérienne dans toutes ses facettes», a observé Meziane Yala, au moment où Mohammed Adjaïmi a parlé d'«une mère, une sœur et une conseillère qui guide les pas des comédiens dans les tournages grâce à sa forte personnalité et sa présence». A la fin de l'hommage, un diplôme d'honneur et des cadeaux symboliques qui font la particularité de la région (robe kabyle, bijou traditionnel, tableau de peinture et une écharpe en broderie berbère) ont été remis à la comédienne qui, pour sa part, a rendu hommage à tous ceux qui ont contribué à cette initiative. Née à Constantine le 22 avril 1930, l'actrice, de son vrai nom Atika Latrèche, a vécu la misère sous la mainmise du colonialisme et a perdu son mari au champ d'honneur en 1961. Après l'indépendance elle s'est installée à Alger avec ses cinq enfants pour tenter de subvenir à leur besoin. C'est de là qu'elle a commencé à faire ses premiers pas dans le domaine du cinéma et du théâtre radiophonique. Son don s'est révélé dans le feuilleton «L'incendie» et «La grande maison» de Mustapha Badie et depuis sa réputation n'a fait que grandir et sa touche était visible dans toutes les productions auxquelles elle prenait part. «Leila et les autres», «Une femme pour mon fils», «Le thé à la menthe», «Le cri des hommes», «Mel Bladi» sont, entre autres films, qui ont propulsé chafia Boudraâ au rang des grands grâce à son talent exceptionnel. Son rôle dans «Hors-la- loi» de Rachid Bouchareb lui ont valu une montée des marches de Cannes à l'occasion de sa 63e édition du festival en 2010.