Incontestablement, la presse écrite en Algérie traverse sa plus grave crise depuis sa création. Difficultés financières accrues, dues à la baisse drastique de revenus publicitaires et des ventes, exacerbation des conflits avec les pouvoirs publics, concurrence impitoyable et parfois déloyale...., notre presse n'a plus le même impact sur l'opinion publique à l'ère de l'information instantanée, où les annonceurs sont de plus en plus nombreux à choisir des supports à grande influence (télévisions, radios, sites web, etc.), plus pratiques et plus rentables pour eux. En face, on a l'impression que l'Etat n'a plus de vision stratégique concernant le secteur de la presse. D'où cette tendance à la confrontation avec la corporation qui ne fait que fragiliser davantage ce premier vecteur du pluralisme d'opinion et de la liberté d'expression dans une société en pleine mutation. Toute la question est de savoir que veut faire l'Etat de la presse. Quel rôle voudrait-on lui faire jouer dans la dynamique globale de développement ? Force est de constater que les pouvoirs publics ont une vision à court terme, conjoncturelle, et qui est dictée hélas ! par les échéances politiques immédiates. Or, il faut aller vers la construction d'un Etat moderne, avec tous les instruments qui garantissent la stabilité et la prospérité d'un secteur aussi vital que celui de la presse : un cahier des charges fixant une bonne fois pour toutes les obligations et les champs d'action de chaque organe. Un Etat moderne où les arbitrages et les interventions seront bannis, et tous les droits seront garantis. Il faut en finir avec cette situation d'injustice qui a profité à certains éditeurs, à une époque où le Trésor public servait à renflouer les caisses de certains journaux priviligiés, mais qui a déstabilisé tant de titres qui luttent loyalement pour leur survie et la promotion d'une presse combattante. Car, c'est bien cette situation qui a mené la faillite actuelle et à pousser un titre pionnier comme El-Khabar à se vendre à un industriel qui veut en faire un bouclier politique. La responsabilité est donc entièrement partagée entre un gouvernement qui hésite à prendre les bonnes mesures pour assurer une véritable relance du secteur à travers un programme d'aide fixe et transparent, et une corporation désunie et incapable de s'organiser pour défendre ses propres intérêts. Il s'agit pour les deux parties de chercher le moyen de mettre un terme à l'anarchie actuelle, où l'administration continue à régir le secteur de façon totalement bureaucratique qui laisse si peu de place à une presse de qualité. Il est clair que la prolifération des titres de la presse écrite, lancés par des hommes d'affaires si peu soucieux du niveau professionnel du produit, et qui ne sont intéressés que par la manne publicitaire, n'est pas de nature à sauver notre presse d'une banqueroute annoncée. L'Etat doit reconnaître la particularité et la spécificité de l'entreprise de presse, à laquelle il n'est pas approprié d'appliquer le critère de rentabilité. Puis, il faudra mettre un ensemble de mécanismes pour bien encadrer la presse écrite et favoriser son épanouissement. Il faut aller vers un assainissement du secteur, en arrêtant impérativement d'octroyer abusivement l'agrément à de nouveaux titres qui, non seulement ne peuvent assurer leur propre survie, mais surtout polluent la scène médiatique avec des produits médiocres qui ne tiennent compte d'aucune éthique ni d'aucune règle professionnelle. Par ailleurs, une institution composée de professionnel est susceptible de réglementer la distribution de manne publicitaire, qui est aujourd'hui convoitée par un cartel de journaux prédateurs pour tenter de pallier leurs déficits en termes de ventes. La situation actuelle devient intenable. L'ANEP ne doit pas constitué le seul moyen d'aide indirecte à la presse, donc il faut penser à d'autres mécanismes. Aussi, la plupart des journaux croulent sous le poids des charges sociales (TVA, salaires, cotisations, formation...), en plus des frais d'impression et de distributions. La dernière contrainte en date, l'obligation faite aux entreprises de presse de verser les cotisations sociales même des pigistes. Or, la crise n'est pas partagée par tout le monde. Les journaux les plus exposées à la crise, et qui risquent, ainsi, à tout moment d'être sacrifiés sur l'autel de la rentabilité, sont les plus anciens, autrement dit les plus sérieux, et dont les journalistes et les responsables contribuent au débat public et investissent dans la formation de journalistes. Faut de vision claire des pouvoirs publics et d'un sursaut de conscience des professionnels du métier, c'est la mort des journaux qui est programmée.