Ô l'implacable ironie... Les ouvertures du Premier ministre Yildirim envers la Syrie ont surpris tout le monde. Les explications données - condition posée par Moscou au dégel des relations, prise de conscience du danger djihadiste, effrayant isolement de la Turquie qui s'est mise tout le monde à dos ces dernières années - ont toutes une part de vrai. Ce virage à 180° de la position turque a littéralement terrifié les grassouillets cheikhs saoudiens et l'ambassadeur turc à Riyad a même été convoqué pour donner des explications ! Et dire qu'il y a encore quelques semaines, le sultan et le Seoud dansaient bras dessus bras dessous... Conséquence de la fureur saoudienne ? Le Premier ministre turc vient à nouveau de manger son chapeau et de virer à 180° (du moins dans les mots) en déclarant sans rire qu'en fait non, aucune solution ne sera trouvée en Syrie avant le départ d'Assad. A force de vouloir plaire à son ancien-allié-devenu-ennemi-puis-peut-être-à-nouveau-allié (Russie) et de son allié duquel il s'est écarté avant de peut-être s'en rapprocher à nouveau (Arabie saoudite), le derviche tourneur d'Ankara va finir par avoir le tournis. Et nous avec... Cela dit, dans la macédoine syrienne, chacun essaie de tirer son épingle du jeu mais c'est bien confus. Les loyalistes sont sur le point de lancer la grande offensive visant à libérer définitivement le nord de la province de Lattaquié, voisine de la Turquie (le sultan a-t-il promis à Moscou de lâcher les rebelles dans sa lettre d'excuses ?) Les forces d'Assad avancent également au nord-ouest d'Alep et menacent de couper la seule route de ravitaillement des djihadistes « modérés ». Globalement, les loyalistes avancent, mais c'est lent et dur. L'envoi d'un porte-avion russe en Méditerranée orientale pour effectuer des frappes entre octobre et janvier montre d'ailleurs que Moscou ne s'attend pas à une victoire trop rapide. Au Kurdistan syrien, de nouveaux clashs ont opposé les troupes du régime encore présentes et les Kurdes, tous deux pourtant théoriquement alliés contre l'Etat Islamique et autres djihadistes. Ca devient une tradition : tous les quelques mois, des combats éclatent à Hassaké, vite calmés par les Russes qui ont l'oreille des deux camps. Kurdes qui ont d'ailleurs toutes les difficultés du monde à prendre Manbij, point stratégique. Si la ville est totalement encerclée, les YPG reperdent du terrain face à Daech qui se défend comme un diable. Ce n'est d'ailleurs pas le jour des groupes soutenus par les Etats-Unis... A la frontière syro-irakienne, l'intervention du nouvel assemblage monté par le Pentagone - la New Syrian Army - tourne au fiasco. Quant aux djihadistes, ils s'entre-tuent gaiement tout autant qu'ils combattent le régime. A Idlib, Al Nosra a dévalisé la soit disant Free Syrian Army : et encore des armes américaines pour les enfants de Ben Laden ! Soit la CIA, qui fournit depuis des années la FSA dont les armes finissent toujours dans les mains d'Al QaIda, est un ramassis de crevettes naïves, soit c'est voulu. Il n'étonnera personne que nous penchions pour la deuxième hypothèse... Pour cette fois, plus de peur que de mal semble-t-il : quelques heures après le casse, des missiles de croisière russes ont réduit en cendres un dépôt d'armes rebelle comprenant des TOW (missiles anti-char de fabrication US), peut-être les mêmes qui avaient été si gentiment subtilisés.