C'était il y a un an jour pour jour. La photographie du corps inerte d'Aylan Curdy, un enfant syrien de 3 ans gisant sur une plage de Turquie, avait fait le tour du monde. Au festival international de la photographie qui se tient en ce moment à Perpignan, des photographes se remémorent cette image-choc. Le cliché du petit Aylan Curdy est entré dans le cercle très fermé des photos symboliques. Ici, en référence au drame des réfugiés syriens tentant de gagner l'Europe sur des embarcations de fortune. Pour le photographe allemand Peter Bauza, c'est ce vers quoi chaque photographie doit tendre : faire prendre conscience. « C'est important que les reporters, les photographes et les photojournalistes soient là, dans le champ. Ce sont des réalités qui doivent être vues. On a les yeux beaucoup plus ouverts après cette photo, non ?» Polémique La photographe turque Nilûfer Demir, à l'origine du cliché, avait essuyé de nombreuses critiques. Certains l'accusant d'être allée trop loin dans le sordide. Une position que ne partage pas le photographe français, Frédéric Noy. « Quand on a une rage de dents et qu'on va chez le dentiste, on maudit le dentiste, mais en réalité le problème ne vient pas du dentiste, mais du fait qu'on a pas une bonne hygiène dentaire, dit-il. Le problème, c'est que la société, notamment l'Europe, n'a pas une politique d'immigration digne de nos valeurs. C'est une image qui dérange et qui peut choquer, mais on ne peut pas blâmer le photojournaliste de cette douleur.» Mais tous les professionnels de la photo regrettent cependant qu'une fois le choc émotionnel passé, les actes politiques suivent rarement. Le récit de la photographe qui a pris le cliché Nilüfer Demir est la photographe de l'agence de presse DHA qui a réalisé ce cliché. Elle a raconté les conditions dans lesquelles elle a été amenée à faire ce cliché : «C'était le matin, nous suivions un groupe de Pakistanais en train de prendre la mer quand, non loin, nous avons remarqué ces corps. Puis, en s'approchant, nous nous sommes rendus compte que c'étaient des corps d'enfants. C'est d'abord le corps du petit syrien Aylan, 3 ans, que nous avons vu. Quand nous avons compris qu'il n'y avait plus rien d'autre à faire que de presser sur le déclencheur et enregistrer l'image de ce petit corps sans vie, avec son t-shirt rouge, son short bleu marine et ses chaussures au pied, c'est ce que j'ai fait. Ensuite, en nous éloignant, nous avons trouvé le corps de son frère Galip allongé sur la plage, lui aussi habillé. Et encore plus loin, il y avait le corps du troisième frère, Tahara. Ils n'avaient rien sur eux qui puisse les maintenir à la surface de la mer, ni gilet de sauvetage, ni brassière, ni bouée ; ce qui augmente encore au drame qu'ils ont vécu. Mais j'avais déjà dans mon appareil de nombreuses illustrations de ces corps de clandestins, et de leur drame ».