L'ancien chef de l'armée Michel Aoun et l'ex-premier ministre Saad Hariri s'allient pour mettre un terme à la vacance du pouvoir. La ténacité finit parfois par payer. A 81 ans, Michel Aoun pourrait bientôt voir se réaliser son vieux rêve : devenir le président du Liban. Jeudi 20 octobre, l'ancien chef de l'armée durant la guerre civile (1975-1990) a reçu le soutien de Saad Hariri pour assouvir son ambition. Avec l'appui de l'ancien premier ministre, le « Général », dont le parti est allié au Hezbollah et représente la principale force chrétienne au Parlement, peut emporter le vote de la chambre des députés, lors d'une séance prévue le 31 octobre. Ce rapprochement entre deux hommes issus de camps rivaux pourrait mettre un terme à plus de deux ans de vacance à la tête de l'Etat. Plus de trente séances électorales ont été ajournées, faute d'avoir trouvé ce président impossible, choisi selon l'usage au sein de la communauté chrétienne maronite. La crise présidentielle, miroir des déchirements du pays sur fond de conflit syrien, a aggravé la paralysie des institutions. Pour expliquer leur pas de deux, Saad Hariri et Michel Aoun font appel aux grands principes : sauvegarder la stabilité et préserver le Liban des guerres qui ravagent la région. Mais leur entente repose aussi sur leurs ambitions personnelles. La presse nationale ne voit que cette évidence : ils ont passé un accord pour convoler vers le pouvoir. Concession majeure Malgré son âge jugé trop avancé – y compris par certains proches –, Michel Aoun n'a jamais fléchi. Au point de boycotter les séances jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé sur son nom. Malgré l'effritement de sa popularité, Saad Hariri espère quant à lui retrouver la fonction de premier ministre. L'attelage entre ces rivaux, dont les partisans se méprisent mutuellement, est peu surprenant au pays des coups de théâtre politiques. Mais il en dit moins sur la capacité d'initiative des deux protagonistes que sur la position de force du Hezbollah. C'est lui qui domine le jeu de la présidentielle. Depuis la fin du mandat du président Michel Sleiman en 2014, Michel Aoun a dû ronger son frein : la formation chiite pro-iranienne dirigée par Hassan Nasrallah, dont il est l'allié depuis 2006, n'a cessé, à longueur de discours, de lui afficher sa fidélité, mais elle a semblé peu pressée de voir l'intrigue présidentielle se dénouer. Quant au sunnite Saad Hariri, empêtré dans des difficultés financières, affaibli sur la scène interne, et dans une relation qui s'est émoussée avec son grand parrain, l'Arabie saoudite, le voilà qui donne son blanc-seing au candidat déclaré de son adversaire, le Hezbollah. Une concession majeure.