Il a même fallu, ô ironie, que les avions russes viennent en aide pour stopper la débandade ASL-turque à l'ouest d'Al Bab ! Simple coup sans lendemain afin de sauver la face du sultan ou pièce d'un échafaudage bien plus vaste faisant suite à la rencontre Russie-Iran-Turquie et début d'un règlement du conflit syrien entre les trois boss ? Les Kurdes doivent regarder tout cela avec beaucoup d'attention et un brin d'inquiétude. Quant à la camarilla américano-européo-saoudienne, on ne lui a même pas demandé son avis... Le système impérial s'est presque exclu de lui-même avec l'affaire de Deir ez-Zoor comme nous l'expliquions , il y a quelques temps: Règlement de compte à OK Corral ou désobéissance à l'intérieur de la hiérarchie US. Possible. Le pouvoir américain est divisé, éclaté. CIA et Pentagone se battent par groupe syrien interposé, des fonctionnaires du Département d'Etat entrent en fronde et Obama est baloté entre les néo-cons et les réalistes. Le Centcom lui-même est extrêmement tiraillé, cinquante analystes du centre de commande déclarant l'année dernière que leurs rapports sur le danger djihadiste en Syrie ont été occultés ou caviardés. L'empire n'a plus réellement de tête, c'est une gorgone. De plus, l'on sait que certains au Pentagone ont accepté du bout des lèvres le cessez-le-feu russo-américain, que les néo-cons sont furieux tandis que la CIA reste silencieuse mais n'en pense pas moins. Est-il aberrant d'imaginer qu'un maillon de la chaîne de commande est sorti des clous afin de forcer la main du gouvernement ? Aussi,lors de son rabibochage avec Poutine, Erdogan a expliqué l'incident du Sukhoi par la désobéissance du général turc d'Incirlik, proche de l'OTAN et d'ailleurs arrêté après la tentative de putsch. Bien sûr, il est déconseillé de croire le sultan sur parole, mais on ne peut exclure qu'il ait dit la vérité pour le coup. L'incident intervient deux jours avant la possible mise en place d'une coordination russo-américaine prévue par l'accord de cessez-le-feu. On aurait voulu torpiller ce projet qu'on ne s'y serait pas pris autrement... C'est d'ailleurs ce qu'a fait remarquer l'envoyé russe aux Nations-Unies, relevant la bizarrerie de l'intervention US dans une zone où ils n'avaient jamais rien bombardé auparavant. Le bombardement de Deir ez-Zoor est-il une tentative dangereuse et désespérée des faucons visant à faire dérailler une coopération entre les deux grands contre les djihadistes ? Plausible.. Au-delà des mots, cet incident place les Etats-Unis en position très délicate. Moscou peut désormais tout à fait publier les termes de l'accord de cessez-le-feu que Washington cherche tant à cacher, car vraisemblablement favorable au 3+1. Ou simplement le considérer comme nul et non avenu puisque les djihadistes modérés ne le respectent globalement pas (responsabilité US) et qu'en plus les Américains bombardent une armée souveraine en train de combattre l'EI, ce qui, en termes de relations publiques, est désastreux. Dans tous les cas, la légitimité des Etats-Unis en a pris un sérieux coup et leur marge de manœuvre s'est considérablement amoindrie. Le Kremlin joue maintenant sur du velours et l'on voit bien les Russes exiger sans cesse plus et les Américains reculer à mesure. (Suite et fin)