Des associations marocaines de défense des droits de l'Homme ont épinglé, lundi, au siège du Parlement européen à Bruxelles, les autorités marocaines sur la répression du mouvement de contestation populaire et pacifique dans la région du Rif, les accusant de «violations graves» des droits de l'Homme. Selon les représentants de ces associations, qui s'exprimaient lors d'un colloque sur le mouvement de protestations et de revendications (Hirak) du Rif au Parlement européen, le recours excessif à la force contre ce mouvement de protestation pacifique qui a exprimé des doléances «justes et légitimes» a abouti à des «violations graves des droits de l'Homme». Le président de l'Association de défense des droits de l'Homme au Maroc (ASDHOM), Said Fawzi a dénoncé, à ce titre, l'utilisation excessive de la violence, les arrestations arbitraires et les poursuites judiciaires, la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants subis par les manifestants de la part des policiers, s'insurgeant contre «la militarisation accrue de la région». Pour ce militant des droits de l'Homme, la situation que connait la région du Rif découle principalement des violations qui ont concerné les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels de la population locale, rejetant les accusations «fallacieuses» du Premier ministre marocain qui a accusé la région de «séparatisme». La représentante de la Coordination maghrébine des organisations des droits humains (CMODH), Khadija Ryadi a soutenu que «le Rif a connu des violations graves des droits humains», s'inquiétant de «la dégradation alarmante» des droits de l'Homme dans cette région. Enumérant les nombreuses violations des droits de l'Homme enregistrées ces derniers mois dans la région du Rif, cette militante des droits de l'homme a déploré des centaines d'arrestation parmi les participants aux manifestations organisées dans la région, relevant qu'une trentaine d'entre eux observent une grève de la faim depuis plusieurs semaines pour dénoncer à la fois leur arrestation, qu'ils estiment arbitraires, et dénoncer les conditions de leur détention. La représentante de la CMODH a dénoncé également la «politique de l'impunité» et «l'instrumentalisation» de la justice au service du pouvoir, soulignant que la situation actuelle au Rif est «la parfaite illustration» de la régression «inquiétante» et «généralisée» de droits de l'Homme au Maroc. Elle a regretté, à ce titre, «la connivence avec le Maroc de certains pays européens, notamment la France». S'indignant devant la «violente répression» exercée sur les manifestants par la force publique, dans «une continuité de l'approche sécuritaire, unique réponse de l'Etat aux revendications économiques et sociales» du Rif, Khadija Ryadi a déploré l'assiègement que subit la région à travers «l'interdiction de centaines d'activités d'ONG», le «refoulement ou l'expulsion de responsables d'ONG» et «l'emprisonnement de journalistes». «La politique de répression menée par le Maroc lui a valu la 29ème place au classement des pays qui répriment les défenseurs des droits de l'Homme lors du dernier Examen périodique universel (EPU) sous les auspices du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU», a-t-elle fait remarquer. Le représentant du Rif ALERT, un collectif d'associations de solidarité et des droits de l'Homme aux Pays-Bas, M. Fanadi a précisé que près de 500 personnes ont été arrêtées suite aux événements qui secouent le Rif, 550 autres ont été assignées à résidence et 200 sont en attente de procès, appelant à la libération de tous les détenus. Il a exhorté, dans ce contexte, l'UE à faire pression sur le Maroc pour l'amener à respecter les droits de l'homme, recommandant l'envoi d'observateurs et d'enquêteurs européens sur place. Nécessité de faire la lumière sur les violations des droits de l'Homme Le représentant de la Coordination des organisations démocratiques marocaines de France, Said Saouti a plaidé de son côté pour la mise en place d' «une commission internationale pour faire la lumière sur les violations graves des droits de l'Homme» dans la région du Rif. Dénonçant l'«arrogance d'un pouvoir autoritaire», Said Saouti a déploré une «démocratie de façade», soutenant que «le pouvoir du Makhzen est incapable d'évoluer pour accepter des règles démocratiques et gérer les conflits sociaux et politiques d'une manière civique et démocratique». Réitérant le soutien de la Coordination des organisations démocratiques marocaines de France au mouvement revendicatif civique et pacifique dans le Rif, Said Saouti a dénoncé la répression systématique à l'encontre des manifestants pacifiques, dont les revendications sont «légitimes et réalisables». Il a exigé la libération de toutes les personnes arrêtées «arbitrairement», s'insurgeant contre les conditions de leur détention et leurs condamnations «fallacieuses» qu'il qualifie d' «assassinat programmé». Pour Jamal EL Khattabi, enseignant chercheur à Lille et membre du comité Mohcine Fikri à Lille, «il y a pire qu'une dictature, c'est l'illusion d'une démocratie», dénonçant l'incarcération de mineurs et la répression qui s'est abattue sur les manifestants du «Hirak», faisant état d'arrestations «abusives» et de «cas de tortures». Dans un témoignage lu en son nom par un des participants au colloque, Salima Ziani dite Sylia, une des figures emblématiques du mouvement «Hirak», a dénoncé «la pression psychologique» exercée sur elle lors de son arrestation, affirmant avoir signé un procès verbal «sous la menace» et avoir été placée en isolement. Le représentant de l'Association des travailleurs maghrébins en France (ATMF), Mohamed Ouachekradi a affirmé, pour sa part, que «le Maroc est en danger», estimant qu'«il y a véritbale défaut d'Etat». Il a dénoncé, dans ce contexte, le discours du roi qui a «légitimé et conforté» les forces de l'ordre dans leur politique de répression.