Donald Trump a lancé hier, au premier jour du sommet de l'Otan, une attaque frontale contre l'Allemagne, accusée d'«enrichir» la Russie et de ne pas contribuer suffisamment aux efforts militaires de l'Alliance. Très remonté, le Président américain est resté sourd aux tentatives d'explications du secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg qu'il a rencontré avant l'ouverture officielle du Sommet à Bruxelles. «L'Allemagne est complètement contrôlée par la Russie (...) elle est prisonnière de la Russie», a-t-il tonné dans une longue diatribe contre la première puissance économique de l'UE. «Elle paie des milliards de dollars à la Russie pour ses approvisionnements en énergie et nous devons payer pour la protéger contre la Russie. Comment expliquer cela ? Ce n'est pas juste», a-t-il encore asséné. La Maison Blanche a ensuite annoncé que M. Trump, qui doit rencontrer lundi prochain (16 juillet 2018) à Helsinki son homologue russe Vladimir Poutine, aurait un tête-à-tête avec la chancelière allemande Angela Merkel. Le Président américain a dénoncé à plusieurs reprises le projet de doublement du gazoduc Nord Stream reliant directement la Russie à l'Allemagne et exige son abandon. L'attaque lui permet d'enfoncer un coin dans l'unité des Européens, car le projet les divise. La Pologne estime ainsi que l'Europe n'a pas besoin de ce projet. Nord Stream 2 «est un exemple de pays européens qui fournissent des fonds à la Russie, lui donnent des moyens qui peuvent être utilisés contre la sécurité de la Pologne», a soutenu le chef de la diplomatie polonaise Jacek Czaputowicz. Les pays de l'UE importent deux tiers de leurs besoins de consommation. En 2017, ceci a représenté une facture totale de 75 milliards d'euros, selon les statistiques européennes. A ce jour, la moitié du gaz acheté est russe, mais les Européens cherchent à briser cette dépendance. Les Etats-Unis sont engagés dans une stratégie de conquête de marchés pour leur gaz naturel. Ils ont exporté 17,2 milliards de m3 en 2017, dont 2,2% par méthaniers vers les terminaux de l'Union européenne. M. Trump s'en est aussi pris plus généralement aux membres de l'Otan qui «ne payent pas ce qu'ils devraient» pour leurs dépenses militaires. Le chef de l'Otan a reconnu que le président américain avait utilisé un «langage très direct» mais a assuré que les Alliés étaient d'accord sur les dossiers cruciaux : la nécessité de renforcer la résilience de l'Organisation, la lutte antiterroriste et le partage plus équitable du fardeau financier. De fait, les Européens appréhendaient un sommet de l'Otan acrimonieux et difficile. Le Président des Etats-Unis avait quitté Washington d'humeur belliqueuse, déclarant, avec le goût de la provocation qui est le sien, que sa rencontre avec le président Russe Vladimir Poutine prévue lundi à Helsinki pourrait être «plus facile» que le sommet de l'Otan. Ce comportement exaspère sur le Vieux continent. Rompant avec le ton policé de ses prédécesseurs, le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, l'a interpelé mardi pour lui dire combien ses critiques presque quotidiennes étaient déplaisantes et l'a invité à «mieux considérer» ses alliés «car l'Amérique n'en a pas tant que ça». Il lui a également rappelé que l'Europe avait été «la première à réagir» après les attentats du 11 septembre 2001 sur le sol américain.