En ce début du mois de juin le Brent, baril de référence de la mer du nord, est repassé sous la barre des 70 dollars. Pour ce second semestre de l'année en cours rien n'indique que les marchés pétroliers seraient orientés à la hausse pour dépasser durablement les 70 dollars le baril. Il y a trop de pétrole dans le marché. Aux Etats Unis, le pétrole de schiste permet à ce pays une production record supérieure à 12 millions de barils par jour et les stocks restent à leur plus haut niveau de ces dernières années. Le niveau actuel des prix des hydrocarbures ne permet pas à l'Algérie d'équilibrer sa balance commerciale. Un déficit de 1,84 milliards de dollars de la balance commerciale des biens est annoncé par les douanes pour les quatre premiers mois de l'année en cours.. En 2015, en raison de l'effondrement des prix du baril de pétrole, l'économie algérienne a renouée avec le déficit de son commerce extérieur. Pour combler ce dernier, le recours aux réserves de changes est inévitable. Après avoir atteint un pic de 194 milliards de dollars à fin 2013, les réserves de changes perdront un peu plus de 114 milliards de dollars en cinq ans. Elles ne sont à fin décembre 2018 que de 79,88 milliards de dollars selon la Banque d'Algérie. Pour éviter une érosion rapide des réserves de changes une batterie de mesures ont été prise pour réduire le déficit du solde courant de la balance des paiements par les gouvernements de A.Sellal, à partir du second semestre de 2014 et d'A.Ouyahia à partir d'octobre 2017. Des mesures qui n'aboutiront pas au rééquilibrage des équilibres financiers externes ces quatre dernières années. Peut-on alors expliquer ce retour du déficit du solde courant de la balance des paiements par la seule faute des fluctuations du marché pétrolier ? En 2014, Abdelaziz Boueflika, est réélu à la tête de l'Etat pour un quatrième mandat. Abdelmalek Sella est reconduit en tant que Premier ministre. Malgré des signaux forts sur la montée en puissance de la production du pétrole et du gaz de schiste aux Etats Unis, le gouvernement en place poursuit sa politique économique et sociale comme si le prix du baril de pétrole allait indéfiniment restait supérieur à 100 dollars. À la fin de l'année 2014, le prix du baril est passé de 115 dollars à 60 dollars en l'espace de six mois. Malgré les signes annonciateurs d'un effondrement des marchés pétroliers à partir de l'automne de 2014, la facture des importations explosera en dépassant pour la première fois, depuis l'indépendance du pays, les 59 milliards de dollars. L'excédent du commerce extérieur des biens sera alors inférieur à un demi-milliard de dollars tandis que le soldé extérieur courant sera déficitaire de 9,30 milliards de dollars. Cette situation de déficit du solde courant de la balance des paiements fera perdre 15 milliards de dollars aux réserves de changes. Malgré un baril moyen du baril de pétrole à 100 dollars en 2014, le gouvernement en poste réalisera la prouesse de terminer cette année-là avec un lourd déficit de la balance des paiements. Seule une expertise du commerce extérieur des biens et services de l'année 2014 pourrait nous éclairer sur les raisons de cette lourde facture des importations. À partir de 2015, la situation va se dégrader davantage. Le déficit de la balance commerciale va se creuser encore plus en atteignant les 18 milliards de dollars, tandis que celui de la balance des paiements passera à 27,54 milliards de dollars. En 2016 pas, moins de 26 autres milliards de dollars seront déduits des réserves de changes et prés de 21,76 autres milliards de dollars en 2017. En 2018 et grâce à un prix moyen du baril de pétrole à 70 dollars, les réserves de changes vont perdre 15,82 autres milliards de dollars. Selon la banque d'Algérie, les réserves de changes ne sont plus qu'à 79,88 milliards de dollars à fin 2018. Il est utile de préciser que dans le déficit du solde extérieur courant figure également le déficit du commerce des services qui est de l'ordre de huit milliards de dollars annuellement. La balance commerciale des services (commerce invisible) reste méconnue et ceux qui gouvernent parlent rarement de ce lourd déficit. Une certaine opacité entoure ce chapitre du commerce extérieur. Une part non-négligeable des transferts illicites des devises s'effectue par l'intermédiaire de ce commerce. La vitesse avec laquelle s'érode les réserves de changes met en péril l'indépendance politique est économique du pays. Dans le cas ou le déficit du solde courant de la balance des paiements pour les quatre prochaines années se maintiendraient au même niveau que celui de 2018, soit 16 milliards de dollars par an, les réserves de changes ne seraient que de 15 milliards de dollars à fin 2022. Un tel niveau des réserves de changes mènerait inévitablement le pays à de dures négociations avec le FMI pour un ajustement structurel de son économie. L'Algérie a déjà appliqué un programme d'ajustement structurel de son économie de 1994 à 1999. Un plan douloureux sur le plan social et intervenant dans une conjoncture politique et sécuritaire particulière. Ce n'est qu'à partir de l'an 2000 qu'il a été mis un terme à ce programme suite à un sérieux redressement des prix du pétrole, qui a duré jusqu'au milieu de l'année 2014. En 2023 et dans le cas ou le passage par le FMI deviendrait inévitable un nouveau plan d'ajustement structurel concernera en premier lieu une forte dévaluation du dinar, des restrictions budgétaire draconiennes, avec une remise en cause de la politique sociale. Les transferts sociaux seraient limités au strict minimum. Les entreprises publiques déficitaires seraient liquidées et un processus de privatisation des entreprises publiques devrait être engagé. En reconduisant A. Bouteflika pour un quatrième mandat en 2014 le pouvoir en place a perdu cinq ans pour redresser l'économie en menant des réformes profondes sans passer par les conditionnalités du FMI. Aujourd'hui, il ne reste que trois ans aux décideurs pour éviter de tomber encore une fois sous le dictat des institutions de Bretton Woods. Dépasser dans les plus brefs délais cette crise politique en élisant un président légitime et un parlement représentatif pour entamer rapidement des réformes profondes, reste la seule issue. Dans le cas contraire, en 2023, le pays subira une crise politique chronique, aggravée par une dégradation de la situation socio-économique.