Entre des patients qui dénoncent une «maltraitance banalisée» et des professionnels de santé qui invoquent des tensions et des conditions d'exercice contraignantes, la déshumanisation et l'insécurité dans les hôpitaux à Constantine catalysent la colère et la violence, selon des avis recueillis par l'APS auprès de responsables et de professionnels du secteur. La multiplication des violences verbales et physiques est devenue monnaie courante dans les établissements de santé de la wilaya, particulièrement au Centre hospitalo-universitaire Dr. Benbadis de Constantine (CHUC), victime d'une forte pression des malades de la région, en sus d'un transfert «pavlovien» de patients des wilayas limitrophes, en dépit des innombrables décisions de décongestionnement des structures régionales de santé. Avec des actes répréhensibles comme l'enlèvement d'un bébé en mai 2014 dans le service de mater nité et l'agression fin août 2019 perpétrée contre le personnel des urgences chirurgicales, le quotidien du CHUC est émaillé d'agressivité et d'incivilités faisant planer un réel climat d'insécurité au sein de cet établissement de santé, réceptacle d'un flux substantiel de malades. «Les services névralgiques à l'activité intense et incessante, à l'instar des urgences médicales, chirurgicales, la pédiatrie et le service de gynécologie obstétrique du CHUC essentiellement, sont souvent le lieu d'agressions émanant de malades ou d'accompagnateurs», a indiqué Laid Benkhedim, directeur de la santé de Constantine. Aussi, pour éviter une intrusion similaire à celle ayant eu lieu le 26 août dernier dans les urgences chirurgicales par un groupe d'individus violents, accompagnant un blessé et exigeant qu'il soit «immédiatement» pris en charge, le wali a demandé, il y a de cela plus de dix jours, à ce que la sécurité soit renforcée par une brigade de police au sein même du pavillon des urgences, a affirmé ce même responsable. Et d'ajouter : «conformément aux directives de la tutelle, la direction de la santé de la wilaya compte également renforcer la sécurité au sein du service des urgences en procédant au recrutement sur titre d'agents de sécurité avant la fin de l'année en cours», précisant qu'une demande a été introduite pour doter des structures de santé comme les établissements hospitaliers spécialisés (EHS) de postes de police à l'entrée. Faisant état d'«agressions quotidiennes» au CHUC, notamment au service de maternité et celui des urgences, M. Benkhedim reconnait, à ce propos, que le nombre des agents de sécurité reste «insuffisant» eu égard à l'activité intense du CHUC qui accueille un nombre substantiel de malades. Le DSP de Constantine parle même de «déficit» en la matière et estime que «le recrutement prochain de quelques agents supplémentaires (une dizaine) ne pourra pas couvrir ce manque et assurer une grande sécurité au sein du CHUC», imputant la tension en matière de prise en charge des malades au «flux de patients issus des autres wilayas». Pour de nombreux praticiens, approchés par l'APS au niveau du CHUC, «le climat d'insécurité qui règne à l'hôpital, malgré la télésurveillance, au niveau de certains services où l'afflux de patients et d'accompagnateurs est considérable, comme les urgences, la maternité et la pédiatrie notamment, rend les conditions de travail des médecins très difficile». «Le problème se pose souvent avec les accompagnateurs des malades qui font preuve de violence verbale et parfois même physique si leur proche n'est pas pris en charge sur le champ, alors que nous devons traiter un nombre conséquent de patients souffrant de maux différents avec un degré de sévérité différent, et ce, en l'absence d'une sécurisation adéquate des services", confient-ils. Ces mêmes praticiens dénoncent également la véhémence et l'impolitesse dont font preuve également des patients, allant jusqu'à les insulter et les agresser, comme ce fut le cas il y quelques mois à la maternité où, selon eux, une résidente s'était retrouvée avec des points de suture après avoir pris violemment la porte de son bureau en plein visage. 230 agents de sécurité pour toutes les structures de santé En dépit d'une pléthore de malades originaires de la wilaya et ceux transférés des wilayas voisines, le secteur de la santé de Constantine ne compte qu'un effectif de 230 agents de sécurité répartis à travers toutes les structures de santé de la wilaya, dont 57 agents au niveau du CHUC, selon Abdeslem Rouabhi, secrétaire général de la direction locale de la santé. «Au cours du premier semestre de l'année 2019, la direction de la santé de la wilaya de Constantine a enregistré, en ce sens, pas moins de 1137 agressions verbales, physiques et des dégâts matériels au niveau des structures de santé publique de la wilaya, essentiellement au niveau du service des urgences du CHUC», a-t-il précisé. Le même responsable a fait part de 691 agressions enregistrées durant le premier trimestre de l'année 2019, et 446 autres au cours du second trimestre, soulignant que ces actes de violence ont donné lieu à 48 affaires en justice, «un chiffre loin de refléter la réalité», affirme-t-il, justifiant cela par le refus des victimes généralement de porter plainte. En ce sens, le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Mohamed Miraoui, a instruit, le 7 septembre dernier, les différents directeurs de la santé de wilaya de saisir la justice contre les auteurs de violences perpétrées sur le personnel des établissements de santé. En plus du Centre hospitalo-universitaire Benbadis de Constantine, le secteur de la santé de la wilaya compte 4 établissements publics hospitaliers (EPH), 4 établissements hospitaliers spécialisés (EHS), 6 établissements publics de santé de proximité (EPSP) et 1 établissement hospitalier (EH), 36 polycliniques et 67 salles de soins.