La première conférence nationale sur l'œuvre du penseur Malek Bennabi intitulée, «À l'écoute d'un témoin du siècle», a été inaugurée mardi à Alger, par le Premier ministre Abdelaziz Djerad, accompagné de la ministre de la Culture et des Arts, Malika Bendouda. Organisée les 27 et 28 octobre à la Bibliothèque nationale d'El Hamma, cet événement-hommage s'est ouvert par la visite du Premier ministre, d'une exposition retraçant le parcours intellectuel de Malek Bennabi à travers ses ouvrages et ses essais, avant de baptiser la salle rouge de la Bibliothèque nationale du nom de cet illustre penseur. Après la présentation de la conférence par le directeur central du livre et de la lecture publique, Smail Yabrir, l'assistance a assisté ensuite à la projection d'un court document, donnant un avant-goût sur la pensée de Malek Bennabi, en développant la thématique de la renaissance, du monde des choses, celui des personnes et des idées. Lors de son allocution, le Premier ministre a d'abord regretté que la pensée de Malek Bennabi «ne figure pas dans les programmes de nos écoles et universités comme c'est toujours le cas pour tous les grands penseurs de ce monde». Affirmant que, pour sa part, il avait découvert l'existence d'un «éminent penseur algérien» grâce «aux penseurs orientaux de l'époque». Abdelaziz Djerad a rappelé à l'assistance le souvenir d'avoir alors «entamé des recherches» qui, poursuit-il, lui avaient permis de découvrir la «pensée universelle et le génie de l'homme». La connaissance de Malek Bennabi de la géopolitique à travers deux ouvrages sur «l'idée du Commonwealth» et l'« Afro-asiatisme», sa vision du futur sur le «choc des civilisations» et la «fin de l'histoire» ont été rappelées par le Premier ministre qui a conclu par la «nécessité d'intégrer la pensée de Malek Bennabi dans les programmes de nos écoles et universités». Malika Bendouda avait auparavant, commencé son intervention en faisant remarquer que «la pensée était ce qui restait du penseur, une fois disparu», ajoutant que Malek Bennabi avait pu «arriver à la substance» parce qu'il s'était posé des questions «radicales», cultivant ainsi «le doute pour ouvrir le champ à la connaissance». Rappelant que Malek Bennabi avait durant toute son existence, «pris en charge sa société», la ministre de la culture a souligné la grande ouverture du penseur sur plusieurs champs de réflexion, sciences, histoire, géographie, économie, concluant qu'il convenait de remédier à «nos manquements à l'égard de cet homme «pluriel et universel». La série de conférences dédiées à la célébration de la pensée de Malek Bennabi a débuté mardi, avec deux thématiques autour du concept de la «colonisabilité» chez cet illustre penseur, animées par, Hichem Cherrad et Wahid Benbouaziz, tous deux professeurs universitaires, en présence d'un public restreint. Cette conférence accueillie dans la salle «Malek Bennabi» de la Bibliothèque nationale d'El Hamma, rebaptisée dans la matinée par le Premier ministre Abdelaziz Djerad, accompagné par la ministre de la Culture et des Arts, Malika Bendouda, s'est tenue après de courts témoignages livrés par le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Youcef Belmehdi, l'ancien ambassadeur, Abderrahmane Gherieb et l'ancienne ministre de la protection sociale, Z'hor Ounissi. Les trois intervenants ont brièvement rappelé la clairvoyance et le génie du penseur, «en avance sur son temps», soulignant son sens élevé de l'«anticipation» sur les différents phénomènes sociaux qui traversent le temps. L'universitaire, Hichem Cherrad a présenté une communication sur les «concepts de colonisabilité et la problématique de la société civile chez Malek Bennabi», revenant d'abord sur les définitions de ces deux notions et l'absence d'une explication claire, quant au sens exact à donner à la «colonisabilité» avec le champ sémantique que pouvait couvrir ce vocable. La notion «imprécise » de ce « nouveau concept», explique le conférencier, avait conduit à l'«incompréhension» des intellectuels algériens qui avaient alors, pointé du doigt l'illustre penseur, l'accusant de «justifier le colonialisme» à travers une vision tendancieuse, perçue comme une «agression sur le sentiment national et une manière de « dénaturer les réalités historiques», avec de surcroît, l'intention malsaine de vouloir «nourrir chez les algériens, un sentiment de culpabilité envers leur histoire». En revanche, poursuit l'intervenant, le concept de «société civile» n'a pas été utilisé «de manière directe» par Malek Bennabi, se contentant juste de faire allusion à ses contenus dans ses deux ouvrages, «Mémoires d'un témoin du siècle» et «Les conditions de la renaissance». L'objet de cette conférence, selon Hichem Cherrad, est de cerner, expliquer et préciser le sens du concept de «colonisabilité» en abordant deux de ses plus importants aspects, la «détérioration des relations sociales» et l' «absence de société civile» dans l'espace public, des « signes pathologiques claires » qui expliquent la «chute de la société dans la colonisabilité». Le professeur universitaire Wahid Benbouaziz a ensuite présenté une communication titrée, «La colonisabilité, adage postcolonial ?», un questionnement à la thématique visant à ouvrir l'esprit de Malek Bennabi sur les études «coloniales et post coloniales», or, met-il en garde, la «différence paradigmatique des connaissances» entre la «pensée bennabienne et les études culturelles», rendait vaine et truffée de difficultés, toute «tentative de rapprochement» entre une «pensée née de conditions sociales et culturelles relativement différentes» et une autre «post coloniale répondant aux normes de la globalisation». L'objectif d'une telle intervention, poursuit le conférencier, serait donc de «poser de nouvelles questions» à une pensée établie qui «foisonne d'adages culturels, actuels et vivants». Inaugurée dans la matinée par le Premier ministre Abdelaziz Djerad, la première conférence nationale sur l'œuvre du penseur Malek Bennabi intitulée, «A l'écoute d'un témoin du siècle», se poursuit mercredi à la Bibliothèque nationale. Le cycle de conférences dédiées à la célébration de Malek Bennabi, sous l'intitulé «A l'écoute d'un témoin du siècle», s'est poursuivi mercredi à Alger, avec quatre interventions autour des thématiques de l'Homme et de la Culture chez cet illustre penseur, présentées par les professeurs universitaires, Zaïr Aboudihadj, Mohammed Chaouki Zine, Lamouri Alliche et Mouloud Aouimer, devant une faible assistance. Les communications, accueillies à la salle Malek-Bennabi de la Bibliothèque nationale d'El Hamma, ont été précédées par un court document filmé, dans lequel une des petites filles du penseur présente des lettres d'ordre familial qu'il a lui-même écrites et signées. Les échanges épistolaires que Malek Bennabi entretenait avec ses proches, ont révélé le sens aigu de la famille dont il jouissait, une des facettes dans la vie privée du penseur. L'universitaire Zaïr Aboudihadj, présentant une communication intitulée, «Philosophie de l'Homme chez Malek Bennabi», a d'abord relevé l'intérêt d'une telle intervention, relatif, explique-t-il, au souci permanent de Malek Bennabi à asseoir une approche qui puisse permettre la «construction» d'individus, en mesure de remplir le rôle de «moteur de développement», faisant remarquer ensuite, l'homogénéité des concepts en relation avec l'Homme, à l'instar de la religion, la philosophie, l'anthropologie, les sciences exactes, les idéologies et autres. Selon l'universitaire, Malek Bennabi a dégagé quatre orientations pour ce faire: «la morale», «l'esthétique», «la logique pratique» et «l'orientation artistique et industrielle», soulignant, par ailleurs, la «valeur du travail» chez cet illustre penseur, en citant l'exemple du «paysan aux chaussures pleines de boue», qui dénote du dur labeur, du rapport à la terre et du respect de la tâche, et «surtout pas» d'un être «démuni de savoir-vivre». Comparant cette entreprise à l'œuvre d'un sculpteur qui dessine les contours constituant son sujet, le conférencier a rappelé en conclusion, l'aspect multidimensionnel de la pensée bennabienne, en perpétuelle relation avec les sciences sociales et expérimentales et en interaction permanente avec les grands courants de la pensée universelle. Mohammed Chaouki Zine, prenant le relais, a communiqué sur «La question culturelle chez Malek Bennabi, entre esprit d'inspiration et nécessité d'interrogation», soulignant le constat établi par Malek Bennabi, relatif à la contrainte de la «défaillance culturelle» qui s'oppose à toute idée de «construction d'une réalité sociale». Selon le conférencier, l'homme doit contribuer à la construction d'une société saine et équilibrée tout en jouissant de sa liberté de penser et d'agir, comme le préconise Malek Bennabi, «l'individu doit être lié à la société tout en étant libre», à l'exemple, explique l'universitaire, d'une île qui appartient à un continent sans pour autant faire corps avec lui. Abordant, le concept du «bien social» chez Malek Bennabi, Mohammed Chaouki Zine conclut en expliquant que celui-ci (le bien social) doit être conçu indépendamment de tout crédo théologique ou idéologique, en ce sens qu'on fait œuvre d'un acte bon, parce qu' «il est bon en soi». Deux dernières conférences ont marqué l'après-midi de mercredi, traitant des «concepts et de la terminologie » utilisés par Malek Bennabi, présenté par le docteur Lamouri Alliche et des « prémices du renouveau» dans la pensée de l'illustre intellectuel, rendue par Mouloud Aouimer. Le cycle de conférences célébrant la pensée de Malek Bennabi organisé à Alger les 27 et 28 octobre a pris fin avec la remise des distinctions aux conférenciers. Ouvert le 26 octobre dernier, l'événement littéraire intitulé «A l'écoute d'un témoin du siècle», se poursuit dans les autres wilayas d'Algérie jusqu'au 31 du même mois. Malek Bennabi (1905-1973) figure parmi les penseurs éminents dans le monde musulman du 20e siècle. Il s'est spécialisé dans les concepts des « problèmes de la civilisation », «les questions de la colonisation», «la culture», «la pensée islamique», «les conditions de la renaissance» et est connu pour son célèbre concept «colonisabilité». Malek Bennabi compte à son actif plus d'une trentaine d'ouvrages en langues arabe et française dont «Le phénomène coranique» (1946), «Les conditions de la renaissance» (1948), «Idée D'un Commonwealth Islamique» (1958), «Le problème de la culture» (1959) et «Le problème des idées dans le monde musulman» (1970). Jusqu'à aujourd'hui, ses idées font l'objet d'études dans différentes universités à travers le monde.