Fin juin au plus tard début juillet 2021, l'Algérie, en principe, aura un nouveau Gouvernement. L'épidémie du Coronavirus et la chute du cours des hydrocarbures ont mis en évidence la vulnérabilité de l'économie algérienne, assise essentiellement sur la rente des hydrocarbures qui irrigue toute la société. Avec le bouleversement planétaire du système d'information et le développement de l'intelligence artificielle, engageant la sécurité nationale, la maîtrise du temps est le défi principal du XXIe siècle. Les drones sans pilotes commencent à remplacer l'aviation militaire classique pouvant cibler avec précision tout adversaire à partir de centres informatiques sophistiqués à des milliers de kilomètres. Les satellites remplissant l'atmosphère, permettent d'espionner tout pays, de détecter le mouvement des troupes et la diffusion d'images de toute la planète. Les cyber attaques peuvent déstabiliser toute une nation tant sur le plan sécuritaire qu'économique. L'utilisation de Facebook et Twitter par la diffusion d'informations parfois non fondées avec la rumeur dévastatrice, supplante souvent l'information officielle si elle est déficiente. Aussi, face aux nouveaux enjeux géostratégiques et aux tensions budgétaires, le futur gouvernement sera donc confronté à une situation complexe, nécessitant une nouvelle gouvernance. 1.- Sur le plan des équilibres macro-économiques, en attendant son adoption définitive en Conseil des ministres, il est prévu dans l'avant projet de loi de Finances complémentaire 2021, que les recettes budgétaires prévues sont de 5 331,8 milliards de DA contre 5 328,2 milliards de DA dans la loi de Finances initiale, soit au cours actuel moyen de 130 dinars un dollar, respectivement 41,01 et 41,40 milliards de dollars. La fiscalité pétrolière budgétisée dans l'avant-projet est de 14,82 milliards de dollars (1 927,05 milliards de DA), contre 14,76 milliards de dollars (1919,2 milliards de DA) dans la loi de Finances initiale et les ressources ordinaires sont prévues à 26,19 milliards de dollars (3404,8 milliards de DA) contre 26,22 milliards de dollars, environ 3 409 milliards de DA dans la loi initiale 2021. Les dépenses budgétaires sont prévues 66,48 milliards de dollars (8642,7 milliards de DA) contre 62,53 milliards de dollars (8113 milliards de DA) dans la loi initiale. Les exportations d'hydrocarbures qui devraient atteindre 23,63 milliards de dollars à la fin de l'année 2021, contre 23,21 milliards de dollars prévus dans la loi de Finances initiale et les importations de biens sont prévues à 30,42 milliards de dollars, contre 30,05 milliards de dollars prévus dans la loi de Finances 2021 initiale non inclus les services (appel à l'assistance étrangère) ont fluctué pour 2010/2019 entre 10/11 milliards de dollars par an, avec une coupe de 50% donnerait une sortie de devises d'environ de 35 milliards de dollars, supposant une lutte contre les surfacturations, et 40 milliards de dollars si l'on relance les projets actuellement gelés, accroissant les tensions budgétaires. Il s'ensuit que les prévisions donnent un déficit budgétaire record de 25,46 milliards de dollars (3310,8 milliards de DA), contre 21,42 milliards de dollars dans la loi initiale (2784,8 milliards de DA) dans la loi de Finances initiale, représentant respectivement 16,0% et 13,6% du PIB. Quant au déficit du Trésor qui s'aggrave, il est prévu 31,85 milliards de dollars (4 140,4 milliards de DA) contre 27,80 milliards de dollars (3 614,4 milliards de DA) dans la loi de Finances initiale, soit respectivement 20% et 17,6% du PIB. Le taux de croissance du PIB à prix courants a été en 2015 de 3,7%, en 2018 de 1,4%, en 2019 de 0,8% et en 2020, négatif moins de -6% en 2020. Le rapport publié par le FMI 2021 a prévu pour l'Algérie un taux de croissance pour 2021 de 2,9%, un PIB brut de 153,5 milliards de dollars contre 200 en 2018 et 160 en 2019 et l'Algérie pour équilibrer son budget pour 2021 a besoin d'un baril, entre 130/160 dollars, le niveau dans la loi de Finances étant un artifice comptable. 2.- Face à cette décroissance, où la sphère informelle représente selon le rapport de mai 2020 du FMI plus de 33% de la superficie économique, plus de 50% hors hydrocarbures, contrôlant selon le président de la République entre 6 000 et 10 000 milliards de dinars de la masse monétaire en circulation, soit plus de 40% du PIB, voir étude sous la direction du Pr Abderrahmane Mebtoul, les enjeux géostratégiques de la sphère informelle au Maghreb – Institut Français des Relations Internationales IFRI Paris décembre 2013), le taux de chômage tend à augmenter, étant d'environ 14% en 2020 et 15% en 2021 de la population active, incluant les emplois temporaires, certains travaux improductifs – faire et refaire les trottoirs. Ce constat renvoie au couple, taux de croissance faible et pression démographique galopante, la population de l'Algérie ayant évolué de 30,87 millions d'habitants en 2000 à 44,7 millions d'habitants en 2020, avec une projection à 51,309 millions en 2030. Cela implique la nécessité de créer plus de 350 000/400 000 emplois par an, en plus de ceux nécessaires pour contenir le taux de chômage actuel nécessitant un taux de croissance de 8/9% en termes réels sur plusieurs années mais dans des projets s'adaptant à la nouvelle concurrence internationale. Le travail au noir (sphère informelle) de certaines catégories de la sphère réelle, après les heures de travail, parfois la petite corruption de ceux qui détiennent certains segments du pouvoir économique au niveau local, la cellule familiale, paradoxalement, la crise du logement (même marmite, même charges) et les subventions et transferts sociaux mal ciblés et mal gérés, jouent temporairement et imparfaitement comme tampon social. Nous sommes dans un cercle vicieux : l'inflation accélère les revendications sociales pour une augmentation des salaires qui à son tour en cas de non-augmentation de la productivité, accélère l'inflation. Aussi, un bilan sans passion de tous les organismes chargés de l'emploi, avec tous les avantages accordés par le saupoudrage social, est nécessaire, le bilan étant mitigé. Attention au mythe des start- up qui sont des prestataires de services et qui ont besoin d'un marché, et d'un appareil productif performant sinon les impacts seront négatifs. L'annonce du directeur général de l'Agence nationale d'appui et de développement de l'entrepreneuriat, en janvier 2021, d'environ 220 000 micro-entreprises recensées en difficulté financière, et l'adoption de nouvelles procédures visant à échelonner les dettes de ces entreprises et à effacer les pénalités de retard, est-elle une solution pérenne comme l'assainissement des grandes entreprises publiques, qui selon le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Prospective, le 3 janvier 2021, près de 250 milliards de dollars ayant été alloué par l'Etat au secteur public marchand sur les vingt-cinq dernières années dont plus de 70% sont revenues à la case de départ. Par ailleurs, comme plus de 85 % des entrants des entreprises privées et publiques proviennent de l'extérieur, ainsi qu'une grande partie de la consommation des ménages, la dévaluation du dinar induisant un processus inflationniste qui se répercute sur le pouvoir d'achat. 3.- Cette situation a eu un impact sur la cotation du dinar et les réserves de change. Concernant la cotation du dinar, fortement corrélée aux réserves de change, à l'image de l'expérience vénézuélienne, économie rentière, elle est passée de 4,94 dinars un dollar en 1970, à 74,31 dinars un dollar en 2010. La cotation de la Banque d'Algérie – cours achat – du 24 au 26 mai 2021 donne 133, 5007 dinars pour un dollar et 162,8041 dinars pour un euro et pour le PLF 2021 : 142 dinars pour un dollar en 2021, 149,71 dinars en 2022 et 156 dinars en 2023. Avec l'ouverture des frontières, comme je l'ai signalé depuis plusieurs mois, le cours sur le marché parallèle devrait pour 2021 s'orienter vers 250 dinars un euro. La Banque d'Algérie procède au dérapage du dinar par rapport au dollar et à l'euro, ce qui permet d'augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportations hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu'en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l'inflation des produits importés, montant accentué par la taxe à la douane s'appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours par le consommateur comme un impôt indirect, l'entreprise ne pouvant supporter de telles mesures que si elle améliore sa productivité. Ainsi, malgré les subventions de certains produits, la majorité des produits connaissent une hausse vertigineuse ayant un fort impact sur le pouvoir d'achat des Algériens qui, selon les données officielles de l'ONS, a été de plus de 80% en 2000/2019 et atteint 100% avec les données de 2000/2021. Ce taux et certainement plus élevé, l'indice du taux d'inflation n'ayant pas été actualisée depuis 2011. Or, le besoin est historiquement daté, évoluant avec le nouveau comportement de consommation des ménages, devant l'éclater par produits selon le modèle de consommation par couches sociales, fonction de la stratification du revenu national. La perception de l'inflation est différente d'une personne qui perçoit 200 euros par mois de celle qui perçoit 5 000 euros ou plus, n'ayant pas le même modèle de consommation. Dans le cadre de la cohésion sociale et face à la détérioration sociale amplifiée par l'épidémie du coronavirus, il est prévu que le maintien des transferts sociaux budgétisés inchangés par rapport à 2019, s'établissant à 14,04 milliards de dollars au cours de 128 dinars un dollar au moment de l'établissement de la loi de Finances, soit 8,4 % du PIB. Par ailleurs selon le ministère du Travail en date du 8 avril 2021, le déficit financier de la Caisse nationale des retraites (CNR) pourrait atteindre 690 milliards de dinars en 2021, le nombre de retraités dépassant les 3,3 millions, le CNR enregistrant un taux de cotisation de sécurité sociale, estimé à 2,2 travailleurs pour chaque retraité et pour un équilibre, le taux de cotisation devrait atteindre cinq travailleurs pour un retraité. La nécessaire réforme les retraites renvoient à la dynamisation du tissu productif, la lutte contre l'évasion fiscale et l'unification des caisses de retraite pour un sacrifice partagé. 4.- Cependant selon les rapports de la Banque mondiale et du FMI, l'Algérie continue de bénéficier d'une marge de mouvement positive. La dette publique a augmenté de 5,8 points de pourcentage, passant de 45,6% du produit intérieur brut (PIB) en 2019 à 51,4% en 2020, la dette publique étant constituée de la dette interne, estimée à 50,8% du PIB en 2020 contre 45% en 2019. Dr Abderrahmane Mebtoul Pr des universités Expert international