Le CREA lance l'initiative de réduction des prix durant le mois de Ramadhan    Attaf s'entretient avec son homologue russe    Le taux d'intégration des produits nationaux dans les usines de dessalement d'eau de mer a atteint 30%    Début des travaux de la 19e session de l'APM à Rome    Une nécessité impérieuse qui ne saurait être ajournée    Zerrouki inaugure à Sétif le premier Skills Center en Algérie    Délégation du médiateur de la République à Guelma : règlement "immédiat par téléphone" de 413 requêtes urgentes de citoyens en 2024    Un dangereux terroriste abattu à Médéa    L'occupation marocaine empêche trois euro-députés d'entrer dans la ville sahraouie occupée de Laayoune    Conseil de sécurité: les A3+ appellent les acteurs politiques en Centrafrique à dialoguer pour réussir la tenue d'élections pacifiques    Ligue des Champions d'Afrique 2025 : MCA - Orlando Pirates d'Afrique du Sud aux quarts de finale    Bétail : importation prochainement de plus de 2 millions de doses de vaccin contre la fièvre aphteuse    Tourisme: la révision des dispositions de la loi fixant les règles d'exploitation touristiques des plages achevée    Grand Prix Sonatrach 2025: Azzedine Lagab (Madar Pro-Cycling) s'impose devant ses coéquipiers    Une commission chargée de la préparation du scénario du film "l'Emir Abdelkader" en visite à Mascara    Espagne: un tunnel à Ceuta utilisé pour faire passer de la drogue en provenance du Maroc    Installation des commissions des Prix du président de la République "Ali Maâchi" et "Cadets de la culture"    Patrimoine culturel mondial algérien: rencontre scientifique avec des experts de l'UNESCO    Chaib participe à une cérémonie organisée par le Consulat général d'Algérie à Marseille    LFP : Abdellaoui et Saâd Abdeldjalil suspendus    Tennis de table : Plus de 150 pongistes jeunes attendus au 3e Open Fédéral    Benstiti retient 26 joueuses pour le Soudan du Sud    «La justice sera intransigeante contre tout abus !»    Ouverture d'une nouvelle ligne de transport de fret aérien entre l'Algérie et l'Arabie Saoudite    LG Algérie lance des promotions spéciales    95 kg de cocaïne saisis et 39 dealers arrêtés    L'avis du médecin recommandé pour les diabétiques    L'imposture de la France qui affirme combattre la drogue au «nom de la santé publique»    Des entreprises sionistes exposent leurs armes à Abou Dhabi malgré les tensions    Le groupe terroriste M23 exécute des enfants    Les opportunités de coopération et de partenariat avec des entreprises énergétiques japonaises examinés    Recueillement,hommages et projet de développement au cœur de la commémoration    Mosquée Essayida, la dame mystère    Mouloudji participe aux travaux de la 44e session du Comité de la femme arabe    CAN-2026 féminine: l'Algérie surclasse le Soudan du Sud (5-0)    Fidélité au sacrifice des martyrs        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Tombouctou, Centre intellectuel de l'Afrique Noire médiévale
Histoire africaine
Publié dans La Nouvelle République le 18 - 06 - 2021

Il est admis que la ville de Tombouctou, qui se trouve actuellement dans la République du Mali, fut fondée approximativement au XIIe siècle.
Cette cité eut dès sa création, un extraordinaire potentiel stratégique, étant donné qu'en plus de se trouver au bord du fleuve Niger, elle avait Gao à l'est, c'est-à-dire le centre névralgique des affaires avec l'Orient ; et à l'Ouest Walata, la porte menant aux mines de sel qui, à cette époque, pouvait valoir jusqu'à deux fois son pesant d'or. Au Nord, se trouvaient le Maghreb et la mer Méditerranée, et au sud des royaumes qui s'étendaient jusqu'à l'océan atlantique. Profitant de la protection offerte par l'Empire du Mali, puis ensuite celui des Songhaï, Tombouctou se convertit rapidement en un centre commercial, culturel et scientifique d'envergure exceptionnelle. Dès la fondation de l'Empire du Mali par Soundjata Keita en 1230, Tombouctou commence à avoir une importance de plus en plus grande. Mais la cité entre par la grande porte de l'Histoire universelle durant le règne de l'Empereur Kankan Moussa (qui régna de 1312 à 1337), frère et successeur de l'Empereur explorateur Aboubakar II. En 1324, Kankan Moussa entreprend son pèlerinage à la Mecque, avec une fastueuse escorte de plus de 60 000 hommes-soldats.
A cette époque, son Empire, plus grand que toute l'Europe occidentale, produisait la moitié de tout l'or du monde : Kankan Moussa avait donc avec lui, le partageant gracieusement sur son chemin, plus de 11 tonnes d'or qui perturberont la côte de l'or à la bourse du Caire pendant 12 ans. Il rentrera de ce pèlerinage en 1325, ramenant avec lui un grand nombre de docteurs, d'érudits, d'intellectuels et de lettrés de tous types, principalement attirés par sa richesse. Parmi eux, se trouve l'architecte arabe d'origine andalouse Abu Ishaq es-Saheli, qui sera chargé de construire la fameuse cité de Djingareyber. La réputation de Tombouctou comme cité de l'or, de la science et de la culture trouve son origine à cette époque. Mais sans doute, Tombouctou atteint son âge d'or sous la bannière de l'Empire Songhaï, et plus précisément sous la dynastie des Askias. Effectivement, l'Askia Mohammed (Mamadou) Touré arrive au pouvoir en 1493, après avoir détrôné le fils de Sonni Ali Ber. Cet officier militaire d'origine soninké impose une organisation économique, administrative et militaire dont l'efficacité ne put que difficilement être atteinte par les autres empires de son temps.
Il fait son pèlerinage à la Mecque en 1495, revient avec le titre de Calife, et décide d'intensifier la politique de développement intellectuel et scientifique de Tombouctou. Ainsi, au début du 16e siècle, la cité de Tombouctou a plus de 100 000 habitants, dont 25 000 étudiants, tous scolarisés dès l'âge de 7 ans dans l'une des 180 écoles coraniques de la cité. Tombouctou avait donc l'un des taux d'alphabétisation les plus élevés du monde à cette époque. Le joyau de ce système éducatif était l'Université de Sankoré, une Université où s'étudiaient la théologie, le droit coranique, la grammaire, les mathématiques, la géographie et la médecine (les médecins de Tombouctou étant particulièrement réputés pour leurs techniques de chirurgie oculaire dont le traitement de la cataracte par exemple). La splendeur de cette Université se manifestait alors par des échanges avec les Universités de Fès, de Cordoue, et surtout avec l'Université Al-Azhar du Caire. C'est aussi ce qui explique pourquoi l'Empereur Kankan Moussa et son vaste empire figuraient sur les meilleures cartes géographiques du 14e siècle. Sur la plus fameuse d'entre elles, il tient une pépite d'or à la main.
De tous les érudits de Tombouctou, le plus fameux fut sans aucun doute Ahmed Baba (1556-1627), un scientifique, théologien, philosophe et humaniste prolifique, auteur de plus de 50 livres traitant tous de sujets différents, et qui fut recteur de l'Université de Sankoré. Pour rencontrer cet ancien disciple du savant Mohammed Bagayoko, les érudits de tous les pays musulmans venaient régulièrement à Tombouctou. L'attraction que Tombouctou exerçait sur les intellectuels du monde musulman se révèle dans les «Tariks», chroniques écrites par des lettrés musulmans (arabes ou non) décrivant les évènements et l'actualité de leur temps. Le Tarik le plus célèbre à propos de Tombouctou et du Soudan Occidental est le «Tarik es-Soudan», écrit par Abdelrahman es-Saadi (1596-1656) [Soudan signifie «Pays des Noirs» en arabe, et le Soudan occidental désigne l'Afrique occidentale actuelle]. Cet érudit de Tombouctou décrivait sa cité natale comme étant «exquise, pure, délicieuse, illustre cité bénite, généreuse et animée, ma patrie, ce que j'ai de plus cher au monde». Tout aussi célèbre est le «Tarik es-Fettah» écrit par Mahmoud al-Kati, le neveu, trésorier et conseiller de l'Askia Mohammed Touré.
Selon cet auteur, Tombouctou était caractérisée par «la solidité des institutions, les libertés politiques, la pureté morale, la sécurité des personnes et des biens, la clémence et la compassion envers les pauvres et les étrangers, la courtoisie à l'égard des étudiants et des Hommes de Science». Il peut être intéressant de mentionner la particulière ascendance de Mahmud al-Kati («al-Kati» est une déformation de l'arabe «al-Quti», le Goth) : il était le fils d'une nièce de l'Askia, et d'Ali Ben Ziyad, un Wisigoth islamisé qui décida de fuir les persécutions religieuses du sud de l'Espagne, traversant tout le Maghreb pour s'établir définitivement au «Pays des Noirs». Une autre fameuse description de Tombouctou trouve son origine dans la visite faite en 1512 par Léon l'Africain, un Musulman de Grenade (né comme Al Hassan ibn Muhamad al-Wazzan) qui dût aussi fuir l'Andalousie avec toute sa famille en 1494, devant l'intégrisme chrétien des Castillans. Après avoir vécu au Maghreb, puis à Rome où il se mit sous la protection du pape Léon X (qui le baptisa en lui donnant son nom), il écrivit sa fameuse «Description de l'Afrique» où il affirma à propos de Tombouctou : «On y vend beaucoup de livres venant de Berbérie, et on tire plus de bénéfice de ce commerce que de toutes les autres marchandises» (rappelons que Tombouctou se trouvait au centre d'un Empire qui produisait la moitié de tout l'or du monde).
Car effectivement, la cité comptait plus de 80 bibliothèques privées, la bibliothèque personnelle de Ahmed Baba par exemple était riche de plus de 1 700 livres, sans être selon ses propres dires la plus grande de la ville : c'est que malgré ses immenses richesses et sa puissance économique, Tombouctou se voulait plus une cité de Savoir et de Science qu'une cité de commerce. L'âge d'or de l'Empire Songhaï et de Tombouctou se termine à la fin du 16e siècle. En 1591, le Sultan marocain Ahmed el-Mansur y envoie une expédition militaire de mercenaires dirigés par un renégat espagnol, le pacha Youder. Ils vaincront les armées songhaï lors de la décisive bataille de Tindibi, puis entrent par la suite à Tombouctou. En 1593, le Sultan marocain décide de prendre le plus précieux de Tombouctou : il ordonne l'arrestation de tous les intellectuels, docteurs et lettrés de Tombouctou, et leur déportation à Marrakech (ainsi fut exilé Ahmed Baba, qui fut ensuite contraint par la force à enseigner à l'Université de Marrakech).
Abderahman es-Saadi relatera les circonstances de cette invasion : «Les gens du Pacha pillèrent tout ce qu'ils purent trouver, faisant mettre à nu hommes et femmes pour les fouiller. Ils abusèrent ensuite des femmes. (…). Parmi les victimes de ce massacre, on comptait neuf personnes appartenant aux grandes familles de Sankoré : le très docte jurisconsulte Ahmed-Moyâ ; le pieux jurisconsulte Mohammed-el-Amin, (etc.). Mais surtout, comme le dira Mahmoud al-Kati dans son Tarik el-Fettah, orpheline de ses érudits, docteurs et lettrés, «Tombouctou devint un corps sans âme».
Plaque en mémoire de René Callié
Tombouctou ne réussira plus à regagner son prestige d'antan. Pourtant, lorsque René Caillé arriva à Tombouctou en 1828, il ne pourra s'empêcher de s'extasier : «Les habitants sont doux et affables envers les étrangers, ils sont industrieux et intelligents dans le commerce qui est leur seule ressource… Tous les Nègres de Tombouctou sont en état de lire le Coran et même le savent par cœur». Même 140 ans après avoir perdu son indépendance, Tombouctou pouvait encore s'enorgueillir d'avoir une population à 100% alphabétisée, ce dont presque aucune autre ville au monde ne pouvait se prévaloir. Tombouctou est aujourd'hui classée comme patrimoine de l'Humanité par l'Unesco. Un programme a été mis sur pied pour protéger et restaurer les quelque 15 000 manuscrits qui sont aujourd'hui accessibles et qui datent de l'époque médiévale. On estime à quelque 100 000 le nombre de documents en circulation qui datent de la même époque et dorment dans des bibliothèques privées. Autant de témoignages précieux sur ce que fut, et sera à jamais, Tombouctou.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.