En Inde, les espaces de création alternatifs se multiplient. Des lieux où l'on vient peindre, danser, fabriquer ou tout simplement s'exprimer... Souvent ouverts par d'anciens cadres a la recherche d'un mode de vie plus personnel et artistique. Exemple à Bangalore où une vaste usine a été transformée en navire amiral de la créativité. Dans la salle, une musicienne invite le public à reprendre des chants traditionnels du Karnataka. Parmi la foule, Harsha, 28 ans, un des artistes invités par le Bangalore Creative Circus. « Je réalise un projet artistique et éducatif autour de l'eau, une question cruciale pour Bangalore qui connaît des inondations et une forte pollution », explique Harsha. « Ici, on m'a généreusement fourni un grand espace pour rassembler les artistes et les œuvres ! Beaucoup travaillent comme moi au croisement entre l'art et la régénération des écosystèmes. » Cette ancienne usine transformée en espace alternatif a des airs de Berlin ou Brooklyn. Une petite révolution pour Bangalore, explique Manisha Vinod, cofondatrice. « J'ai toujours travaillé dans le marketing avec ce sentiment usant que je servais seulement à enrichir encore plus de grandes entreprises, c'est pourquoi on a lancé le Bangalore Creative Circus », dit Manisha Vinod. « L'idée ici, c'est de rassembler tous ceux qui veulent participer et apprendre autour de l'écologie, des arts et du spectacle. On veut donner de l'espoir à Bangalore ! » Un lieu qui s'ouvre à la population locale La salle dispose d'un restaurant qui sert une cuisine locale et biologique. On trouve aussi une pépinière et un « maker space », espace de réparation et de fabrication. « Vous voyez l'immense hippocampe en métal suspendu ? Il a été forgé par un artiste à partir de déchets, comme des vieilles motos », indique Manisha Vinod. « On organise des ateliers pour travailler le bois ou le métal. Les gens peuvent donc expérimenter avec leurs mains et de nombreux outils auxquels ils n'ont pas accès normalement. » Le Bangalore Creative Circus s'est installé il y a un an dans une zone pauvre et industrielle, en lisière de la ville. Fréquenté par la classe moyenne, il tente de s'ouvrir à la population locale comme Chithra, 20 ans, qui travaille comme serveuse. « Quand cet endroit a ouvert, avec son décor en matériaux recyclés, les gens du quartier étaient curieux et un peu interloqués », se souvient-elle. « Pour moi, c'est un premier travail et cela m'a permis de découvrir un lieu différent, des pratiques différentes, des idées nouvelles. Alors moi aussi, je suis devenue une créatrice ! » Soif d'expression personnelle Derrière ce lieu phare, les espaces de création alternatifs se sont multipliés ces dernières années à Bangalore, juge Nikhil Thard, fondateur de l'espace Lahe Lahe. « Depuis une dizaine d'années, on voit des gens quitter leur emploi de bureaux pour un mode de vie beaucoup plus artistique. Des jeunes sortent des meilleurs lycées, mais veulent d'abord exprimer leur créativité », explique-t-il. « Auparavant, la seule option était d'aller dans des espaces très institutionnels ou gouvernementaux. Mais à Bangalore, ce sont désormais des lieux plus indépendants, plus jeunes, plus expérimentaux, qui donnent l'impulsion de la créativité. » Preuve que les habitants de la Silicon Valley indienne, connue pour ses entreprises informatiques, ont désormais soif d'expression personnelle.