kA l'écart du tumulte cairote, de somptueuses demeures, bâties au tournant des XIXe et XXe siècles conservent l'empreinte de leurs augustes occupants : ici vécurent le chantre du nationalisme égyptien Saad Zaghloul, le poète Ahmed Chawki ou encore Mahmoud Khalil, fameuse figure des arts et des lettres. Visite à pas feutrés de ces temples de la mémoire.Quand le tumulte du Caire pèse sur les esprits et les corps, un refuge où le beau et le calme cohabitent se présente aux promeneurs à Guizeh, au bord du Nil et à Mounira, quartier proche du centre-ville. Méconnue des touristes, les demeures du poète Ahmed Chawki, du mécène Mahmoud Khalil et celle de l'homme politique Saad Zaghloul offrent à la fois une oasis de paix et un voyage dans l'histoire égyptienne. C'est maisons ont été construites entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, toutes les trois dans un style occidental comme beaucoup de demeures luxueuses de cette époque au Caire, elles arborent une entrée sur perron, des colonnes et des pilastres surmontés de chapiteaux à motifs d'inspiration classique, des ornements sculptés de guirlande, des corniches et des balcons mais à l'intérieur les choix décoratifs, les choix décoratifs empruntent à la fois à l'Orient et à l'Occident. Le sanctuaire d'une icône Dans ces demeures, le temps a suspendu son vol « vendredi 27 août », indique un calendrier suspendu au mur d'une des pièces du premier étage. Nous sommes chez Saad Zaghloul, à Mounira. Après sa mort en 1927, son épouse Safya n'a plus touché au calendrier. Chez lui, les volets fermés plongent les pièces dans une pénombre sacrée. On déambule sous le regard circonspect de la guide, laquelle temps parfois le bras vers un portrait et annonce solennellement « Saad Zaghloul ». La présence du grand homme au tarbouche rouge envahit l'espace : bustes sculptés, archives photographiques de sa vie politique couvrent les murs. Il est partout : dans le reflet du miroir, à chaque détour de couloir, son regard acéré nous suit. On pourrait s'attendre à le voir surgir dans une pièce, enfiler l'un des manteaux suspendus là, attendant encore leur propriétaire. Un peu plus loin, dans un vide-poche, un amas d'objets, probablement, déposés là par les occupants de la maison, a été laissé en l'état. Aujourd'hui encore, Saad Zaghloul demeure une icône, un personnage magique, dans lequel les Egyptiens auront souvent vu un libérateur investi d'une mission divine. Quel qu'il soit, l'homme de la rue ne tarit pas d'éloges à l'égard de ce fils de fellah qui, tout à la fois, reçu une éducation traditionnelle à El Azhar et étudia le droit à Paris ; de celui qui fit du Wafd un parti politique moderniste, laïc et libéral et puisa sa force dans la défense par-delà les intérêts particuliers de la nation, des valeurs de démocratie, de constitution, de liberté et de justice. Anne Clément, historienne, dans son livre « Sa'ad Zaghlûl « Lieu de mémoire du nationalisme égyptien » déroule à partir d'ouvrages biographiques, le fil de ses journées. Zaghloul avait une riche activité intellectuelle. Le matin était consacré à la dictée d'un article ou d'un discours et à la lecture de la presse arabe et étrangère. On raconte qu'il avait une grande capacité de travail et ne dormait pas plus de 5h par nuit. Il était doté d'une excellente mémoire et d'une faculté d'improvisation lors de ses discours, hors du commun, si l'on en croit les biographes (très élogieux), il aurait même eu beaucoup d'humour et aurait été très liée à sa femme. (A Suivre)