A la faveur du conflit militaire à Ghaza du 7 octobre 2023, de la mort du jeune Thomas Perotto à Crépol, le 19 novembre 2023, du vote sur la loi immigration du 26 janvier 2024 qui proposait de porter atteinte au droit du sol à l'Assemblée nationale et surtout de la séquence des élections européennes du 9 juin 2024 puis des législatives anticipées du 30 juin – 7 juillet 2024 où l'on n'a pas hésité à parler de fin de la double nationalité, l'extrême-droite française et la droite réactionnaire ont pu poser de nouveaux jalons pour mettre en œuvre leur projet de société néocoloniale en France. Ensuite, il va y avoir le durcissement du droit au regroupement familial et des mariages entre immigrés et Français Pour le regroupement familial, les articles de la loi immigration retoqués par le Conseil constitutionnel vont être non seulement adoptés mais durcis (conditions de séjour, ressources régulières, assurance maladie, maitrise du français, contrôle des maires), les mariages entre immigrés et Français vont devenir de plus en plus difficiles et l'interdiction du droit du sol va être étendu au-delà de Mayotte (et des émigrés comoriens). Toutes ces mesures, qui ne sont pas choquantes en soi feront l'objet d'un bras de fer avec l'Union européenne, nécessitant une pression de la coalition européenne des partis d'extrême droite et de droite avec l'Union européenne qui se profile à l'horizon. Enfin, l'abolition du droit du sol automatique pour les binationaux ira bien au-delà de Mayotte et les conditions pour obtenir la nationalité française pour les binationaux à leur majorité seront considérablement durcies, notamment par des prérequis comme l'absence de casier judiciaire ou des conditions de ressources. Le droit du sol sera, lui, complètement aboli lorsque l'extrême droite sera au pouvoir. Le véritable tournant sera l'élargissement des cas de déchéance de nationalité pour les binationaux bien au-delà du terrorisme (mesure instaurée après les attentats de 2015) dans deux directions : inclure une condition d'absence de « séparatisme » dans une sorte d'enquête de moralité et élargir les cas de pertes de nationalité pour « délits d'atteinte à administration publique », aujourd'hui restreints au terrorisme, et qui seront étendues commodément à un nombre considérable d'agents publics comme les agents des forces de l'ordre, les enseignants, les médecins et infirmiers dans les hôpitaux, les agents municipaux, etc.... Au final, entre les dispositifs contre le séparatisme et l'épée de Damoclès des dispositions entraînant la perte de la nationalité, on aura créé un statut à deux vitesses entre les citoyens français de souche et les « binationaux » d'origine immigrée des anciennes colonies, et singulièrement les Musulmans, les Maghrébins et les Algériens. b) L'arrivée de la coalition des droites au pouvoir La coalition des droites extrêmes, autoritaires et réactionnaires, dominée par le Rassemblement National, prendra le pouvoir soit lors des prochaines élections présidentielles de 2027, soit, plus vraisemblablement, au cours du mandat actuel, à la manière de l'arrivée de de Gaulle au pouvoir en 1958, pour mettre fin à la « chienlit » dans laquelle se débat la scène politique française. On peut faire de la politique fiction et parier par exemple sur une mise en avant de l'ex-chef d'état-major Pierre de Villiers avant des élections présidentielles précipitées ; celui-ci, limogé brutalement par Emmanuel Macron avait déjà été mis en avant en prévision des élections présidentielles de 2022, mais s'est révélé « décevant » sur le plan politique dans un contexte de campagne électorale « normale » (manque d'idées et de surtout de charisme). En effet, curieusement, on n'entend plus l'ex-général Pierre de Villiers ni son frère Philippe de Villiers depuis quelques temps, ce qui est surprenant compte tenu de leur posture de « cassandres » depuis pas mal de temps. – L'installation de la société néocoloniale, la répression dans les banlieues et la « remigration » a) La future société néocoloniale à l'israélienne L'Establishment d'extrême droite puise son inspiration dans deux sources pour le futur statut réservé à la population immigrée musulmane, en particulier maghrébine et plus particulièrement algérienne : d'une part, le statut des colonisés dans la société coloniale ou encore celui des Harkis après leur rapatriement en France, c'est-à-dire un statut juridique d'infériorité et une vie quotidienne rythmée, dès l'école, par le rappel de la suprématie juridique, raciale, culturelle, des Français dits de souche. D'autre part, il s'inspirera également du statut réservé aux Palestiniens par l'Etat d'Israël, l'extermination physique en moins. Le modèle israélien servira en effet de référence dans la future différenciation des « bons » citoyens issus de l'émigration musulmane, maghrébine et algérienne à intégrer, des « mauvais » citoyens dont on doit se débarrasser, et de ceux qui sont en observation permanente, selon l'approche suivante : la première catégorie sera celle qui « s'assimile » complètement, par mariage et/ou adoption des « mœurs » françaises, principalement l'abandon de l'attachement à la religion musulmane. Cette catégorie n'existe pas pour les Palestiniens en Israël qui ne peuvent s'assimiler complètement à la communauté juive, même s'ils le désirent, du fait de la particularité ethnique de l'Etat d'Israël comme Etat juif. Ceux-là ou leurs descendants n'auront aucun problème pour être intégrés dans le creuset national français et républicain et leurs enfants ou petits-enfants feront de « bons Français » dès leur naissance comme Jordan Bardella ou Gérald Darmanin. Par contre, un statut néocolonial proche de celui des Palestiniens en Israël sera appliqué à la seconde et troisième catégorie d'immigrés et de citoyens français issus de l'immigration musulmane, et plus particulièrement maghrébine et algérienne. La seconde catégorie d'immigrés ou de descendants d'immigrés est constituée des « bien formés », « bien intégrés » économiquement et culturellement, « utiles » socialement pour le système de production mais qui cherche à concilier leur réussite sociale et économique avec un attachement à leur identité, culture et racines « musulmanes », arabes ou maghrébines via la pratique religieuse ou un mariage dans leur communauté qu'ils cherchent à transmettre à leurs enfants. Ceux-là, à l'image des Arabes israéliens bénéficiant de la nationalité israélienne et de ses avantages, auront un statut de citoyen de seconde zone. Ils pourront bénéficier de la nationalité française et de ses avantages, mais ils seront soumis à un plafond de verre incassable dans leur ascension sociale et à une double épée de Damoclès : la première épée de Damoclès sera d'éviter le moindre « écart » ou la moindre « incartade » personnelle qui risque de les faire tomber à tout moment et pour des futilités, sous le coup d'un système de répression féroce qui leur fera perdre leurs droits et leur statut. Mohsen Abdelmoumen