Il n'a fait qu'une apparition furtive dans «La Bataille d'Alger» de Gillo Pontecorvo, mais son visage reste gravé dans la mémoire des spectateurs. Laïeb Lakhdar né à Tébessa 1930, surnommé Lakhdar Lak, incarne dans le film un personnage controversé, Hassen El Blidi, un proxénète notoire dans la Haute Casbah de l'époque, abattu par Ali La Pointe alors qu'il sortait d'une maison close de La Casbah, entouré de ses gardes du corps. Une scène brève, mais marquante, où sa stature imposante, son regard pénétrant et son sourire fendu entre deux dents lui ont donné une présence inoubliable. Il aurait pu prolonger son aventure cinématographique au-delà de La Bataille d'Alger, mais Lakhdar Lak a choisi de rester dans l'ombre. Après son apparition marquante dans le chef-d'œuvre de Gillo Pontecorvo, il s'est vu offrir un rôle de figurant dans Trois pistolets contre César (Tre pistole contro Cesare), un western spaghetti réalisé en 1966 par l'Italien Enzo Peri et tourné en Algérie, à Bou Saâda. Un film où l'Américain Thomas Hunter partageait l'affiche avec plusieurs acteurs européens et algériens. Mais contre toute attente, Lakhdar Lak a décliné la proposition. Pourquoi ? Le mystère demeure. Etait-ce un choix personnel, un refus de s'éloigner de la réalité historique pour se perdre dans une fiction d'un tout autre genre ? Ou existait-il des raisons plus profondes, liées à son passé ou à ses convictions ? Ce refus ajoute une part d'énigme à la trajectoire de cet homme, dont l'impact sur le cinéma algérien reste sous-estimé. Il n'aura joué qu'un rôle fugace, mais son empreinte, entre fiction et réalité, mérite aujourd'hui d'être reconnue. Peut-être est-il temps de redécouvrir Lakhdar Lak, l'homme qui a préféré disparaître derrière la légende. Mais derrière ce rôle, il y avait un homme bien réel, un vrai moudjahid dont l'histoire semble avoir été reléguée aux oubliettes. Sa famille, consciente de son parcours et de son engagement durant la Guerre de libération, regrette qu'aucun hommage ne lui ait jamais été rendu, que ce soit dans l'histoire officielle du cinéma algérien ou dans la mémoire nationale. Si La Bataille d'Alger a immortalisé de nombreux visages et figures de la lutte pour l'indépendance, Lakhdar Lak est resté un fantôme du septième art, un acteur de l'ombre qui mériterait aujourd'hui une reconnaissance posthume. À l'heure où l'Algérie cherche à préserver et valoriser son patrimoine cinématographique et historique, son nom pourrait enfin retrouver la place qui lui revient, entre fiction et réalité, entre mémoire et oubli.