Voilà, huit heures qu'on est là à attendre le très, très, très grand zaïm de la confrérie députarte. Même pour les néophytes, ce n'est pas facile à déchiffrer ; il suffit de hacher les mots à l'image de quelques persils fanés. Bon, comme les longues «attentes» sont coutumières chez nous ; patientons, donc. Mais en attendant, pour ceux qui savent observer, il y a là un spectacle de quoi se réjouir. Oui, mes amis, tant que Si Nator est là, on se s'ennuie pas ! La séance burlesque commence alors par cette troupe de ghaïta-dance qui fait pitié. Pourquoi ? Parce que lorsque vous soufflez à plein gaz dans une cornemuse de bon matin, avec seulement un tout petit café dans l'estomac, je crois qu'il faut avoir le courage de supporter un tel suicide. Mais comme nos amis de la troupe sont là pour gagner leur croûte, on ne peut pas trop leur en vouloir. Ce sont les risques du métier, dit-on. Mais pour les «commanditaires» peu importe le nombre de victimes pourvu que le zaïm soit bien accueilli. N'oublions pas également que la ghaïta-dance est un moyen aussi puissant que les médias en matière publicitaire. La ghaïta-dance rassemble. Et pour mieux renforcer le coup de grâce, on fait notamment appel à un autre groupe de Rehhaba. Vous savez, c'est une troupe bédouine avec flûte et bendir (instrument à percussion). Sait-on jamais, il faut toujours prévoir une troupe de rechange. Du moment que l'heure est au folklore, il faut mettre le paquet. A côté de ce boucan matinal qui vous provoque des migraines incurables, il y a bien sûr le groupe affecté à la logistique. Et bien évidemment, le chef d'orchestre ne pourrait être que cet homme des tâches rocambolesques, l'inévitable Si Nator. Oui, le voilà qui combat bec et ongles pour la réussite de la fiesta. Je dis bien fiesta, parce que je sens l'odeur des brochettes dans le coin, bien que le méchoui progresse à petit feu. «Mettez la table là !», ordonne-t-il à ses sbires, aussi assoiffés les uns que les autres. Un autre adepte de la secte intervient à son tour : «Pourquoi pas là, juste à côté de la porte ?» Le bonhomme, rival séditieux qui cache mal son jeu. Mais c'est trop compter avec Si Nator habitué à ses types de «coups d'Etat». Enfin, pour mieux imposer son point de vue «démocratiquement» (bien que la démocratie reste un concept passe-partout), Si Nator, à l'allure grotesque dans son trois quart en cuir, court par-ci, court par-là, se débat tel un quadrupède pris dans les filets des braconniers ; mais rien que pour l'extase du zaïm, tout le monde doit se sacrifier. Et puisque tout le monde est en transe, on y va. La troupe des Rehhaba entre en scène. Malheureusement, tout ce beau monde sera frustré. Le zaïm reste cloué devant sa télé. Il ne veut pas rater «Tom et Jerry» ; ah, oui ! j'ai oublié de vous dire que c'est un accro des dessins animés.