Que fais-tu mon ami? - Je mendie ! - Souvent ? - Tous les jours, monsieur. - Combien d'heures par jour mendies-tu mon brave ? - 8 heures par jour, qu'il vente ou qu'il grêle, monsieur. - Tu devrais essayer de t'habiller un peu mieux quand même ! - Mais je n'ai rien ! Le peu que je gagne va dans la nourriture. - Manger, manger, mais tu n'as que ce mot à la bouche ! - Parce que j'ai faim ! - Il n'y a pas que ça dans la vie! - Mais je crève de faim et je n'ai pas d'argent ! - Eh bien, mendie plus et tu gagneras plus ! Parfois l'on se demande si la mendicité n'est pas devenue un choix, un métier parce que plus rentable. Certains préfèrent être mendiants que fonctionnaires. Selon mon ami Salah, propriétaire d'un café, il y a des mendiants qui lui ramènent jusqu'à 1000 DA/jour de monnaie ; parfois plus. Alors, si l'on fait le petit calcul d'épicier, le «salaire» minimum d'un mendiant de cette trempe équivaudra les 30 000 DA/mois, soit le salaire «respectable» d'un fonctionnaire de la fonction publique. Aussi incroyables peuvent-ils paraître, ces chiffres sont à prendre au sérieux, car sous nos cieux, le mendiant fortuné n'est donc plus ce mythe qui a traversé pendant plusieurs décennies la littérature populaire d'Arabie en Europe. Dans l'une de ses fameuses enquêtes, le détective Sherlock Holmes levait le voile sur la double vie d'un bourgeois londonien qui avait fait fortune en agitant l'écuelle. Tout cela n'était que roman. Dans les pays «tiers-mondistes», ce personnage de pure fiction a fini par devenir réel. Dans les milieux éducatifs, on raconte la blague suivante : Deux types se rencontrent. Le premier demande au second : - Qu'est-ce que tu fais dans la vie ? - Je suis prof au lycée. - Ah ! toi aussi tu chômes ! A y réfléchir, et au lieu d'opter pour la harga avec tous les risques encourus, certains ont donc préféré ce nouveau métier du ragda ouat mangé. Enfin, cela pourrait également contribuer à la résorption du chômage. Qui sait ?