Compte tenu de ce qui apparaît comme étant des divisions entre pays arabes et, donc fatalement, de l'impuissance du monde arabe, faudrait il admettre alors qu'il serait hautement stratégique que la Ligue arabe cesse de mettre en évidence cette impuissance en n'inscrivant pas la résolution de problèmes irrésolubles dans son agenda ? Le nœud Gordien de l'instabilité du monde arabe est la question de la Palestine. Comment l'aborder ? Ce fut une guerre israélo-arabe qui est devenue une guerre israélo- palestinienne doublée d'un conflit palestino-palestinien. Même la guerre menée par Israël n'est plus menée que contre des partis politiques qui disposent d'une aile armée dite de résistance. Les deux dernières guerres livrées par Israël ne sont pas contre des Etats, mais des mouvements politico- militaires qui ne sont pas des armées classiques de défense. Aux moyens de guerre d'affrontement militaire lourd, ces mouvements répondent par des actions asymétriques qui ne nécessitent ni la technologie avancée ni les avions, ni les navires de surface ou des sous- marins. Les militaires israéliens sont obligés d'aller au corps à corps si réellement ils veulent éviter les massacres et ne pas s'en prendre aux infrastructures dont se servent les populations. C'est une guerre qui ne se gagne jamais par les forces classiques de défense en immersion au sein des populations potentiellement hostiles. Comment crédibiliser l'action arabe ? Par une normalisation généralisée des relations arabes avec Israël ? Par le refus de reconnaître l'existence de celui-ci alors qu'il s'est avéré que cela n'avait conduit qu'à des guerres qui s'étaient mal terminées pour les pays arabes de la région ? Des accords séparés avaient conduit à des guerres séparées puis au sommeil de la «conscience arabe» dans un contexte où l'avenir, dit-on, appartient aux ensembles régionaux. Le chercheur américain Clayton Swisher, quand il avait été invité par le Centre Achaab d'études stratégiques, avait expliqué l'absence de la création de l'Etat palestinien par la politique américaine et la faiblesse des Etats arabes dont certains se sont alignés sur les Etats-Unis. Nous serions tentés de dire que l'époque où Israël affrontait des Etats est bel et bien révolue. Révolue également l'époque où Israël pouvait gagner une guerre en six jours ? Oui, il y bien quelque chose qui a changé, vraiment changé. D'abord, y avait une guerre israélo-arabe et il n'y a plus de guerre israélo-arabe. Pourtant, les conditions qui ont déclenché les guerres sont bien les mêmes, mais ce sont les mentalités qui ont changé, les idéologies qui ont changé, et les rapports de force également. Des accords séparés ne peuvent plus qu'engendrer des guerres séparées. Israël n'aura, donc, plus à affronter des Etats en des guerres dites classiques. La supériorité militaire opérationnelle de l'armée israélienne n'est pas à démontrer pour ce qui concerne les guerres classiques comme cela s'était passé avec les pays arabes. On sait que les Etats-Unis lui garantissent le maintien de cette supériorité. Il est dit que les évaluations des forces armées dans le monde a placé l'armée israélienne comme la troisième puissance militaire dans le monde. Israël est également une puissance nucléaire. Mais, Israël a retenu la leçon face au Hizbollah du Liban. Aller au contact physique lui ferait perdre nombre de vies humaines parmi ses soldats. Alors, les dirigeants israéliens ont préféré ne pas aller au contact, ou alors limiter ces contacts. Les dirigeants israélien ont préféré d'abords «nettoyer» le terrain par des bombardements dont on sait qu'ils font plus de victimes parmi les populations qu'au sein des combattants. Pendant longtemps, l'ennemi israélien a permis de justifier le renforcement de l'autoritarisme dans les pays arabes, mais n'a été instrumenté que sur le plan politique, juste pour ne pas initier la démocratisation, alors que sur le plan militaire, il n'y a eu aucune convergence, même pas celle qui consiste en l'uniformisation des équipements acquis pour les uns dans le camp occidental et pour les autres dans le camp «soviétique», cela pour se référer à la période de la guerre froide. Aujourd'hui, la question se pose de savoir si le monde arabe a vraiment perdu son ennemi traditionnel, c'est-à-dire l'ennemi israélien. Il semble bien que oui, mais cela ne justifie pas pour autant que se prenne la décision de démocratiser les systèmes politiques, car un autre alibi est trouvé, à savoir l'ennemi islamiste, appelé également le terrorisme, et parfois connu dans le monde occidental sous le nom de terrorisme islamiste. Quel est celui d'entre eux qui est considéré comme le plus ennemi, soit celui qui contre lequel doivent se prioriser les parades ? Un ennemi a remplacé un autre, avec encore une fois les mêmes implications, à savoir pas de démocratie, mais également toujours pas de rapprochement militaire, ou d'homogénéisation des équipements. Serait-ce que les pays arabes ne s'aiment pas trop, pas assez, pas assez pour désirer vivre sous un toit commun, sous une politique commune, avec des institutions arabes supranationales, encore moins avec une politique extérieure commune indépendante des puissances que l'on sait ? Ne serait-ce pas légitime que les pays arabes décident de se donner une sorte d'OTAN arabe, et que chacun renonce à ne plus chercher à rivaliser entre eux pour avoir le suprême honneur de jouer le rôle de pivot ou simplement de relais dans l'architecture américaine de sécurité dans la région ? Ne serait-ce pas trop beau que de voir les centaines de milliards de dollars investis aux Etats-Unis plus particulièrement revenir dans l'espace arabe et s'investir dans le développement et même les loisirs? Ce serait également trop beau que les pays arabes mettent en œuvre la disposition contenue dans la charte de la Ligue arabe et qui engage les pays membres à se déclarer solidaires avec celui d'entre-eux qui est agressé de l'extérieur. La disposition existe bien mais comment l'appliquer quand elle a été intégrée dans les textes au moment du grandiose projet de construire un monde arabe intégré dans tous les domaines, et même il avait été question d'une industrie arabe d'armement ?