Depuis que le républicain Scott Brown a raflé le siège qu'occupait Ted Kennedy au Sénat, démocrates et républicains appellent à une politique «bipartisane». Les premiers parce qu'ils doivent désormais composer avec une opposition disposant d'une minorité de blocage (41-59) au Sénat, les seconds parce qu'ils ne veulent plus être perçus comme le parti du «non». L'attitude des Républicains face aux mesures de relance de l'emploi, cruciales pour plus de huit millions de chômeurs américains, donnera le ton pour la poursuite des réformes. Si le texte est voté, il faudra trouver un compromis avec celui que la Chambre basse a adopté fin 2009. Barack Obama a pris l'initiative de l'ouverture politique lors son discours sur l'état de l'Union le 27 janvier dernier. Il a proposé de rencontrer chaque mois les leaders démocrates et républicains du Congrès. Le premier rendez-vous aura lieu mardi, à la Maison-Blanche. La seconde initiative date du 29 janvier. Pour la première fois dans l'histoire de la présidence, Barack Obama a accepté un débat télévisé inspiré de la séance de questions au premier ministre britannique à la Chambre des communes. Au cours de cet exercice qu'ils savaient risqué, les républicains ont pu exposer leurs alternatives à la politique menée, et le président défendre son agenda. Ce moment inédit de politique américaine a encouragé les deux camps à poursuivre le dialogue, même si les observateurs ont jugé que l'éloquence de Barack Obama et sa maîtrise des sujets lui ont donné l'avantage. Dans les coulisses aussi, le dialogue s'est noué. Les stratèges des deux camps David Axelrod et Alex Castellanos se sont rencontrés à la Maison-Blanche pour mettre cartes sur table. Donnant aussi des gages sur le fond, le président soutient l'idée d'une commission bipartite sur la manière de réduire le déficit budgétaire. En parallèle, plusieurs sénateurs de son parti travaillent avec le camp adverse sur le front de l'emploi. Ainsi le démocrate Charles Schumer et le républicain Orrin Hatch proposent, notamment, une réduction des charges sociales pour les patrons de PME qui embaucheront un chômeur. Une certaine frustration Le débat au Sénat ne s'annonce pas moins difficile. Les désaccords idéologiques sur la sortie de crise restent profonds et la méfiance est grande quant aux véritables motivations de chaque camp en cette période aux forts enjeux électoraux. Dès son entrée au Sénat jeudi dernier, Scott Brown a laissé entendre qu'il pourrait voter contre le projet démocrate. Comme la plupart des républicains, il défend l'idée de réductions massives d'impôts pour relancer l'emploi plutôt que d'engager de nouvelles dépenses, alors que le leader de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, souhaite voir passer une mesure sur l'extension de la durée de l'assurance-chômage. Le stratège Alex Castellanos émet quant à lui des doutes sur la politique d'ouverture d'Obama. Elle ne porterait que sur le processus politique sans vraiment s'attaquer aux différences idéologiques. «Il y a une certaine naïveté chez le président qui croit que si vous donnez tout à tout le monde, tout le monde sera content.» Dans son allocution hebdomadaire à la radio, samedi, Barack Obama a laissé transparaître une certaine frustration : «Si quelqu'un a d'autres idées pour soutenir les PME et créer des emplois, je suis prêt à les écouter. Ma porte est toujours ouverte. Mais j'en appelle aux deux partis : ne vous opposez pas à de bonnes idées simplement parce que c'est de la bonne politique.»