L'administration Obama a annoncé, samedi, le report sine die de la publication de son rapport annuel sur les grands partenaires commerciaux des Etats-Unis, qui lui aurait donné l'occasion d'accuser formellement Pékin de manipuler sa monnaie. De nombreux membres du Congrès accusent les autorités chinoises de sous-évaluer sciemment le yuan pour soutenir les exportations, avec pour conséquence un avantage jugé déloyal sur les entreprises américaines et des suppressions d'emplois aux Etats-Unis. Pékin réfute régulièrement ces accusations tout en promettant de favoriser à terme une réforme de sa politique de change. Mais certains observateurs rappellent que le fait que la Chine ait laissé le yuan s'apprécier entre 2005 et 2008 n'a pas favorisé les exportations américaines et n'a pas infléchi la tendance à l'envolée de l'excédent commercial chinois. «Quiconque espère un changement révolutionnaire de politique risque d'être très déçu», a déclaré Tim Adams, ancien sous-secrétaire au Trésor chargé des Affaires internationales dans l'administration de George W. Bush. Certains analystes expliquent que la hausse du yuan entre 2005 et 2008 n'a pas eu les effets escomptés parce qu'elle a été insuffisante et trop lente. Mais ils ajoutent que de nombreux responsables chinois jugent les ajustements des parités de change tout simplement inefficaces. «Il y a un vif débat entre techniciens, technocrates et chercheurs qui plaident pour un changement et ceux qui veulent maintenir le statu quo», résume Tim Adams. «Argument fallacieux» Nicholas Lard, spécialiste de la Chine au Peterson Institute for International Economics, à Washington, estime qu'il ne faut pas s'attendre à voir le yuan bouger tant que Pékin n'aura pas pris acte d'une reprise économique durable en Europe et aux Etats-Unis. Même si les arguments en faveur d'un relâchement du lien entre yuan et dollar ne manquent pas, ajoute-t-il, il est certain qu'une telle évolution ne permettra pas aux Etats-Unis de récupérer certains des emplois supprimés ces dernières années en raison de la concurrence des importations chinoises à bas prix. «C'est un argument fallacieux», juge-t-il. «La production se déplacera vers un autre centre de coûts bas, sans doute quelque part ailleurs en Asie, mais elle ne retournera pas aux Etats-Unis.» «Une réévaluation en Chine aurait un effet globalement bénéfique en réduisant les déséquilibres mais il ne faut pas la considérer comme la principale solution au déficit courant des Etats-Unis.» Jugeant intenable à long terme l'ampleur du déficit courant des Etats-Unis, tout comme celle de l'excédent chinois, les pays du G20, Chine comprise, se sont engagés, en septembre, à mener des politiques permettant de réduire ce type de déséquilibres. Certains analystes ont interprété cette promesse de Pékin comme un engagement à laisser le yuan s'apprécier mais ne s'avancent pas sur le calendrier de cette évolution. Les ménages américains exposés Le yuan évolue non loin de 6,83 pour un dollar depuis l'été 2008, durant lequel Pékin, en réaction à la crise économique mondiale, a suspendu le mouvement d'appréciation entamé trois ans plus tôt, qui avait permis à la devise de s'apprécier de 21,% face au dollar américain. Cette appréciation n'a pas eu d'effet notable sur la balance commerciale américaine. Le déficit courant des Etats-Unis s'est même creusé, en 2006, et est resté important jusqu'en 2008, année durant laquelle il s'est réduit en raison de la récession.