L'euro a perdu depuis le début de l'année environ 7 % de sa valeur face au yen et au dollar américain, auquel le yuan est pour l'instant arrimé. Cette baisse s'explique notamment par les craintes de voir la Grèce éprouver des difficultés pour honorer sa dette. Les investisseurs pourraient se détourner encore davantage de la monnaie unique européenne si une éventuelle appréciation du yuan conduisait la Chine à acheter moins d'euros. Les marchés financiers jugent de plus en plus crédible l'hypothèse d'un assouplissement de la politique de changes chinoise, qui permettrait au yuan de s'apprécier face au dollar auquel il est lié de fait depuis juillet 2008. Certains analystes anticipent une hausse de 5 % environ du yuan d'ici à la fin de l'année. Dans ce cas, la Chine aurait moins besoin d'acheter des actifs à l'étranger pour empêcher sa monnaie de monter, une politique qui l'a conduite à accumuler pour 2.400 milliards de dollars de réserves de changes, un record mondial, au rythme de plus de 50 millions de dollars par heure l'an dernier. Ces réserves passent pour être majoritairement libellées en dollars. Des analystes expliquent que Pékin a cherché ces dernières années à les diversifier en augmentant prioritairement ses actifs en euros et dans d'autres devises que le billet vert. «L'euro sera plus vulnérable si l'on prend en compte le fait que la Banque populaire de Chine, dans le passé, s'est diversifiée en achetant des emprunts de la zone euro aux dépens des Treasurie. Dans l'hypothèse d'une dépréciation des obligations de la zone euro et d'un ralentissement du rythme de l'accumulation des réserves de changes, les titres de la zone euro ne seront plus aussi intéressants qu'auparavant», a déclaré Monica Fan, spécialiste des devises chez State Street Global Advisors. Elle estime possible un repli de l'euro à 1,30 dollar cette année contre environ 1,3450 dollar vendredi après-midi. Les fonds risquent de suivre la Chine L'euro a eu tendance à bénéficier du débat sur la diversification des réserves, sa liquidité et la taille atteinte par les marchés financiers de la zone euro lui ayant permis de revendiquer le titre de seul concurrent sérieux du dollar américain. La monnaie unique représentait ainsi 27,4 % des réserves mondiales en 2009, contre 26,4 % en 2009, selon les statistiques du Fonds monétaire international. Le poids du billet vert était de 62,1 % l'an dernier. Pour la Chine comme pour d'autres, l'euro pourrait se montrer bien moins intéressant si les préoccupations liées aux dettes publiques mettent en évidence les faiblesses institutionnelles persistantes de la zone euro. «J'imagine que certains gérants de fonds considéreraient une réévaluation du yuan comme une bonne occasion de réduire leur exposition à l'euro», souligne Kenneth Broux, économiste chez Lloyds TSB. Pour les analystes, une modification de la politique de change de la Chine pourrait dans un premier temps faire baisser le dollar et faire monter d'autres devises asiatiques avec le yuan, tout en bénéficiant aux monnaies des pays gros exportateurs vers la République populaire, y compris le Japon et la Suisse. Mais à plus long terme, ajoutent certains, l'impact sur l'euro d'une appréciation du yuan dépendra de l'évolution des réserves chinoises. John Normand, responsable de la stratégie devises de JP Morgan, pense ainsi que les réserves de la Chine pourraient continuer d'augmenter même en cas de changement de politique si l'excédent de sa balance des paiements augmente. Les réserves chinoises ont plus que triplé depuis la dernière réévaluation du yuan en juillet 2005. «La diversification des réserves rend l'euro plus vulnérable à une réévaluation, mais seulement si la hausse du yuan ralentit la formation des réserves», a expliqué John Norman dans une note récente.