Ricochets est un plus appréciable dans la diversité des hommes de plume, qui nous apporte une expérience de l'écriture et de la vie en général. L'essentiel c'est d'avoir écrit pour dire ce qu'on a éprouvé, ressenti à des moments précis. Le recueil est tout de même le fruit d'un travail tenace intéressant à plus d'un titre. Ceci montre bien qu'à force de gratter du papier pour donner une forme aux idées, il faut des qualités relevant d'un art qui n'est pas à la portée de tous. Cela laisse supposer des convictions, de l'ambition, un savoir-faire. Ricochets est un titre évocateur, mais signifiant une manière de composer des textes par contre coup. Le désir irrésistible de versifier vient comme la résultante ou la répercussion d'une sensation forte, d'un choc. Le mot «ricochet» nous replonge aussi dans nos années d'enfance au cours desquelles on s'est beaucoup amusé à lancer adroitement des pierres sur une surface d'eau pour le plaisir de provoquer des ondes de choc sous la forme de cercles concentriques montant et descendant avant de disparaître. Si l'auteur a écrit, par ricochet, c'est pour mieux nous faire part d'un vécu marqué par des moments de bonheur ou d'émotions plus ou moins intenses, une diversité de configurations de la vie sentimentale, sociale. La diversité des thèmes abordés en vers ou en prose est bien à l'image de la complexité d'une existence. Cela commence par Plume stérile écrit deux fois, en début de recueil et à la fin en couverture, pour mieux cadrer l'ensemble signifiant. Plume stérile qu'on laisse à chacun le soin d'expliquer à sa manière, est pourtant un poème dont les vers sont rythmés et admirablement rimés. Et que de sonorités récurrentes choisies pour attirer l'attention du lecteur sur tout ce qui agite, l'intériorité d'un héros face aux contrariétés d'un vécu peu reluisant ! Des textes poétiques et narratifs à la 1re personne On ne peut pas affirmer d'emblée que ces écrits sont en rapport avec la vie de l'auteur, mais rien ne nous interdit de le penser. Ce dont nous sommes certains c'est que cette première personne dominante d'un bout à l'autre du recueil, donne au personnage l'entière liberté de s'extérioriser. D'où cet éparpillement des images quelquefois contradictoires pour des raisons personnelles d'avoir raté des occasions, de n'être pas à la hauteur pour entrer dans la compétition humaine, de limitation dans ses pensées. Mais tout ceci n'est qu'une vue de l'esprit. Jugez-en par Plume stérile qui illustre bien une forme de résignation ou l'idée d'évoluer du pire au meilleur : «Je resterai toujours pauvre d'esprit/Jusqu'à ma dernière demeure/Je n'ai su faire de choix à mon tri/Ma plume était tel un burin (5 à 7)». Puis, vers la fin, c'est l'éclatement avec le sentiment d'avoir remporté des victoires face à l'adversité : «Des rivières, et fleuves déversant dans l'océan/Cet océan qui me faisait peur. Je n'ai plus peu de ce qui fait ma valeur/Où ça peut mener ? Là n'est pas la question/C'est le voyage qui m'intéresse, non la destination ! » (5 derniers vers). Cette idée d'efforts désespérés revient comme une obsession. On veut se libérer d'un grand nombre de contraintes handicapantes, d'impératifs implacables ou d'incapacités insurmontables dont on n'arrive pas à se libérer. «Libère-toi. Envole toi de tes propres ailes/Les miennes ne peuvent te mener loin». Puis dans Strabisme autre poème, c'est plus accentué. «Seul en compagnie de mes angoisses journalières/Parcourant le livre de ma vie, le tenant à l'envers/Imaginant les strophes scrutant les vers/Je perçois à travers les pages en verre/J'observe les images mal dessinées, mal colorées, floues.» Une prose poétique à la mesure d'un destin En plus de la 1re personne s'adressant à «tu» réel ou virtuel, l'auteur privilégie aussi la prescription ou l'injonction dans un style poétique. Phrases courtes, exclamations, interrogations traduisent de manière directe cette volonté de prendre les autres à témoin d'un sort tristement éprouvant. L'ombre de mon amie en est la parfaite illustration : « Ne me juge pas sans me connaître mon ami/C'est toi qui l'as dit, je ne juge personne/Réfléchis un peu et lis entre tes lignes/Tu verras que j'ai raison, sans le dire, tes idées je les lis…. Et toi ? On parle de toi et de ton expérience en amitié. Brave petite écervelé est un texte bâti sur le mode de l'interpellation et de l'injonction pour adresser des messages à un «tu» peut être fictif. Le genre très intéressant à lire puisqu'il se limite à exprimer des sentiments qui font partie de l'intimité du locuteur, peut être adapté à la chanson. Boumediene A. Ameur Ammar, Ricochets de proses et de poésies,